Elles sont nombreuses les scènes de film ou de séries télé dans lesquelles, après une bonne séance de sexe, les protagonistes s’endorment bienheureux.ses, avec la satisfaction du travail accompli. Mais, dans la vraie vie, on sait très bien que ce n’est pas si simple.
Selon le magazine L’Actualité, près d’un Québécois sur deux (49%) présentent des problèmes de sommeil. On y indique aussi que de nombreuses personnes (34%) sont prêtes à changer leurs habitudes de vie pour arriver à mieux dormir, comme stopper la consommation de café ou d’alcool. Par contre, on ne mentionne rien du côté des habitudes sexuelles. Selon certaines études, avoir des relations sexuelles ou se masturber avant de dormir pourrait contribuer à l’amélioration du sommeil. Pourrait-on en venir à remplacer la médication, comme les somnifères, pour leur préférer une partie de jambes en l’air ? Je fais le tour de la question pour vous.
POURQUOI ASSOCIE-T-ON RELATION SEXUELLE ET SOMMEIL ?
La réponse est simple : lorsqu’on a des relations sexuelles ou que l’on pratique la masturbation, mais surtout au moment de l’orgasme, plusieurs hormones entrent en jeu. L’ocytocine, souvent rebaptisée « hormone de l’amour », contribue au sentiment d’attachement. Quant à la prolactine, elle va procurer un effet de détente post-orgasmique ainsi qu’une sensation de satisfaction. Quant aux endorphines, elles vont amener un bien-être et un effet relaxant. Ce processus fait aussi baisser le taux de cortisol, la fameuse « hormone du stress », qui agit comme stimulant. Tout ceci mis ensemble fait en sorte que le corps va se relâcher et se détendre. Par conséquent, être dans un état propice à l’endormissement.
Le fonctionnement des somnifères est différent et il y en a aussi divers types. Alors que le sommeil induit par la sexualité repose sur un processus hormonal naturel, celui activé par les somnifères est une action médicamenteuse. Il va souvent agir sur les neurotransmetteurs du cerveau. Prenons les benzodiazépines – très souvent prescrits, comme le lorazépam (Ativan). Ils vont agir sur le GABA (acide gamma-aminobutyrique) ou l’orexine. Ils vont potentialiser l’effet du GABA, qui aide à réduire l’activité neuronale, et contrer celui de l’orexine, qui joue un rôle important dans l’éveil. Par contre, ce type de médication peut avoir des effets secondaires comme une dépendance avec un usage prolongé, de la somnolence et des troubles de la coordination.
DES LIMITATIONS
Évidemment, entre une médication qui peut créer des effets indésirables, on va souvent préférer des méthodes naturelles. C’est pourquoi de plus en plus d’équipes de recherche se penchent sur une solution toute simple et accessible : la sexualité. Par contre, il faut dire que, pour l’instant, très peu d’études ont été faites sur le sujet. Cela s’explique via plusieurs raisons. Selon un article de 2021, paru dans le Journal de l’Association médicale canadienne, et intitulé « Pourquoi les conseils sur le sommeil ne parlent-ils pas de sexe ? », on dit :
- Les tabous : il y encore énormément de tabous, de gêne et de honte liés à la sexualité. Ce n’est pas non plus tout le monde qui souhaite être étudié dans ces conditions très intimes.
- Des questions éthiques : surtout lorsque cela implique des vidéos et l’entrée de chercheuses et chercheurs dans un endroit où ont lieu des relations sexuelles;
- Des défis techniques : prendre des prises de sang pendant et après l’orgasme ou prendre la température via une sonde anale peut nuire à la somnolence, alors que c’est justement ce que l’on tente d’induire;
- La légitimité du domaine : il semble difficile d’obtenir des approbations et un soutien à ce type d’études, car la sexualité est encore mal perçue dans le domaine de la recherche;
- L’angle d’approche de la sexualité : les professionnel.le.s en santé ont souvent reçu des formations sur la sexualité qui sont axées sur la prévention des risques (ex.: ITSS). Iels ne voient pas toujours la sexualité comme une fonction qui peut inférer sur d’autres sphères de la vie.
PAS UNE PANACÉE
Peu d’études, jusqu’à maintenant, ont pu démontrer qu’il pourrait y avoir une amélioration du sommeil lorsqu’on utilise la sexualité. Elles ont souvent de très petits échantillonnages qui ne démontrent pas la réalité de toute la population. De plus, elles sont souvent effectuées sur de courts laps de temps (ex.: 14 jours). Ce n’est pas idéal pour démontrer les effets et bénéfices à long terme. Comme le souligne un article de Forbes qui commente une étude sur le sujet, « les comportements sexuels et le sommeil peuvent énormément varier au fil du temps. Certaines personnes peuvent même se marier et divorcer dans ce deux semaines! »
Même si l’on sait que plusieurs personnes peuvent utiliser la masturbation pour s’endormir et que, dans certains cas, cela peut même faire partie de leur routine de sommeil, avoir de la sexualité pour réussir à tomber dans les bras de Morphée n’est pas nécessairement une panacée.
DIFFÉRENTS FACTEURS
Pour que cela soit efficace, cela dépend d’un grand nombre de facteurs. Par exemple, on peut penser à :
- L’état de santé : la personne a-t-elle des enjeux de santé qui influent sur son sommeil ? (Ex.: apnée du sommeil) De la médication qui stimule ? A-t-elle une routine de soins à faire avant de dormir qui peut la rendre plus éveillée ?
- Les habitudes de vie : la personne apprécie–t-elle avoir des relations intimes le soir ? A-t-elle envie de sexualité actuellement ? Est-elle suffisamment éveillée le soir pour s’investir dans une relation sexuelle ? Certaines personnes sont stimulées par les relations sexuelles et ne s’endorment pas du tout après.
- Le stress et l’anxiété : de nombreuses personnes vivent avec du stress et de l’anxiété et il pourrait y avoir un risque d’ajouter à ce stress en ajoutant en plus cette activité;
- La pression : il y a un certain danger de se retrouver à se forcer, en plus de l’impression qu’on ne veut peut-être pas assez changer les choses si on ne s’applique pas à le faire. De plus, on offre fréquemment des solutions individuelles à des problématiques systémiques. Ex. : la société qui demande une hyperproductivité, alors que les gens sont déjà épuisés. On a même parfois l’impression qu’il faudrait « performer » sa routine de sommeil et le sommeil lui-même !
UN ÉQUILIBRE À MAINTENIR
De façon générale, on peut dire que, dans certains cas, la sexualité pourrait être une option pour aider le sommeil, mais que cela ne peut s’appliquer de façon systématique à toustes. On peut toutefois se rappeler que :
La sexualité peut aider le sommeil en…
- créant une détente;
- amenant un orgasme qui, lui, sécrète de l’ocytocine et de la prolactine, hormones propices à l’endormissement;
- réduisant le stress.
Le sommeil aide aussi la sexualité en…
- régulant les fonctions sexuelles;
- renouvelant l’énergie et, par le fait même, souvent la libido;
- offrant une détente au corps;
- rechargeant la batterie, ce qui permet de relancer les capacités physiques et mentales.
L’important, c’est surtout d’écouter votre corps et vos besoins. Vous pouvez inclure les relations sexuelles ou la masturbation (si ce n’est pas déjà fait) pour vous aider à mieux vous préparer au sommeil, mais l’essentiel est surtout de le faire parce que vous avez envie de l’essayer, pas parce que vous ressentez une pression à devoir l’intégrer à votre routine.