Marta et Val demandent :
« Il y a des personnes qui se définissent comme aromantiques. On se demande si ces personnes n’ont pas de plaisir à avoir du sexe, si elles sont dans l’incapacité d’avoir un orgasme ou s’il s’agit de situations différentes. »
Je me suis permis de remanier la question afin de pouvoir décortiquer plusieurs éléments intéressants nommés par nos auditrices. Je propose de diviser cette chronique en deux parties, soit me pencher d’abord sur l’aromantisme et l’asexualité et, ensuite, parler de la notion d’orgasme.
Dans un premier temps, je tiens à spécifier que la question de nos auditrices ne parle pas précisément d’asexualité, mais comme on associe souvent (et faussement) l’aromantisme au fait de ne pas avoir de désir pour la sexualité et que ces dernières nomment l’absence de plaisir à avoir de la sexualité, j’ai voulu démystifier le tout.
Définir l’aromantisme et l’asexualité
L’aromantisme, c’est le fait d’avoir peu ou pas d’attirance romantique/affective envers les autres. La personne aromantique, ou « aro » dans le langage plus commun, peut créer des liens avec d’autres personnes, mais ceux-ci demeureront plutôt amicaux, voire neutres, qu’amoureux.
L’asexualité, c’est le fait d’avoir peu ou pas d’attirance sexuelle et physique envers d’autres personnes. La personne asexuelle, ou « ace », peut vouloir, quant à elle, vivre des relations romantiques/affectives, mais la sexualité pourrait ne pas faire partie de l’équation, tout dépendant de la personne et de la situation.
Cela dit, ce ne sont pas des catégories fixes et ces réalités peuvent se vivre différemment selon chaque individu.
L’aromantisme est une orientation romantique tandis que l’asexualité est une orientation sexuelle
Pour différencier le tout, on pourra dire qu’une orientation romantique, c’est le fait d’avoir une attirance amoureuse/affective envers une ou d’autres personnes. Par exemple, être en couple et ressentir de l’amour pour son, sa ou ses partenaires. Quant à l’orientation sexuelle, c’est lorsque l’on a une attirance sexuelle pour une ou d’autres personnes. Par exemple, avoir des relations sexuelles avec un, une ou des partenaires. En somme, l’aromantisme a plus à voir avec les sentiments, tandis que l’asexualité est plutôt liée à la sexualité. Ce sont deux choses différentes, même si, dans certains cas, l’orientation sexuelle coïncide avec l’orientation romantique. On peut penser à un homme homoromantique (qui désire des relations romantiques avec les hommes) qui est attiré par les hommes.
L’aromantisme a, à la base, n’a pas directement à voir avec la sexualité, tandis que l’asexualité n’est pas automatiquement liée à l’envie ou non de relations romantiques. En effet, on peut être asexuel.le et vouloir des relations romantiques ou être aromantique et vouloir de la sexualité. L’aromantisme, par exemple, va affecter la volonté ou non d’être en couple/en relation amoureuse, tandis que l’asexualité va plutôt affecter la volonté ou non d’avoir de la sexualité.
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Des orientations fluctuantes
Comme on le nommait plus tôt, ces étiquettes ont chacune une définition large et générique, mais chaque personne vit l’aromantisme ou l’asexualité a sa façon, tout comme il n’y a pas qu’une seule façon de vivre son hétérosexualité et/ou ses relations romantiques. Donc, tant les personnes aromantiques qu’asexuelles auront différentes façons de voir et de définir ce qui représente leur réalité. Par exemple, une personne peut se dire asexuelle, mais vouloir de la sexualité de temps à autre dans un contexte précis et en retirer du plaisir, tandis qu’une autre pourra être complètement désintéressée, parfois même dégoûtée par l’idée même d’avoir des relations sexuelles. Même chose avec l’aromantisme.
Il y a aussi d’autres orientations sexuelles et romantiques qui se placent sous l’asexualité et l’aromantisme. Dans le cas de l’aromantisme, on retrouve aussi des termes comme demiromantique (qui a besoin d’un fort lien émotionnel avec l’autre pour avoir une attirance romantique), grisromantique (entre romantique et aromantique, peut ressentir une attirance romantique dans certaines circonstances) . Du côté de l’asexualité, on pourra aussi voir : demisexualité (qui a besoin d’un fort lien émotionnel avec l’autre pour désirer une sexualité) et asexualité grise (entre la sexualité et l’asexualité, peut ressentir un désir de sexualité dans certaines circonstances).
Des mythes à défaire
Il y a encore beaucoup de mythes à déconstruire autour de ces deux orientations. C’est que, pour beaucoup de gens, il semble impossible de ne pas désirer de relations amoureuses/affectives et encore plus de ne pas désirer de sexualité. Nos construits sociaux nous apprennent dès un tout jeune âge que la norme, c’est la recherche de l’amour (voire de l’âme sœur!) et le désir d’avoir une sexualité active. Cependant, ce besoin n’est pas ressenti par tout le monde. Il y a des gens pour qui les relations amoureuses/affectives ainsi que la sexualité ne sont pas du tout une priorité, ni même une envie. Et il n’y a rien d’anormal là-dedans. Cependant, comme cela surprend, voire choque certaines personnes, il n’est pas rare d’entendre ce type de remarques à propos des personnes aromantiques et/ou asexuelles :
- C’est parce que t’as pas encore rencontré la bonne personne!
- C’est juste une phase.
- Avec moi, je suis sûr.e que t’aurais envie!
- À une personne aromantique : T’as juste peur de l’engagement!
- À une personne asexuelle : Tu dois avoir un traumatisme face à la sexualité.
Idéalement, ces remarques seraient à proscrire, parce que cela peut être heurtant pour la personne. Ce genre de propos peut la faire sentir illégitime face à son orientation sexuelle et/ou romantique. Et aussi simplement parce que c’est violent de ne pas être cru.e, soutenu.e et compris.e, surtout face à des éléments aussi intimes que la sexualité et les relations affectives.
Du côté de l’orgasme
Nos auditrices ont fait un parallèle entre l’aromantisme, la capacité à avoir du plaisir et celle d’avoir un orgasme. Il faut savoir que l’aromantisme n’est pas directement lié à la capacité ou non d’avoir un orgasme ou d’éprouver du plaisir à vivre une sexualité. Par contre, l’asexualité peut être associée au fait de ne pas avoir de plaisir dans la sexualité. On l’a vu; il s’agit plutôt de l’absence de désir envers la sexualité. Cependant, comme on l’indiquait plus tôt en parlant de normes, il existe une injonction à avoir de la sexualité. Cela peut faire en sorte qu’une personne asexuelle (qu’elle soit avérée, en questionnement ou qui ne le sait pas encore et explore) pourrait sentir une pression à avoir de la sexualité et rencontrer des difficultés à avoir du plaisir.
Toutefois, il est important de spécifier qu’une difficulté du genre peut s’installer pour des tas d’autres raisons : anxiété, stress, douleurs, absence de désir, fatigue, problèmes de santé, etc.
Quant à l’incapacité à avoir un orgasme, cela se nomme l’anorgasmie. Il y a plusieurs types d’anorgasmie :
- Primaire ou de tout temps : n’a jamais eu d’orgasme (seule ou avec partenaire.s)
- Secondaire : a déjà eu des orgasmes, mais n’y arrive plus
- Situationnelle : orgasmes possibles, mais selon certaines conditions
- Relative : pas d’orgasme dans certaines pratiques
Les raisons qui font qu’une personne souffre d’anorgasmie peuvent être variées : anxiété de performance, prise de médication (ex. : antidépresseurs), stress, enjeux d’image corporelle, enjeux médicaux (ex. : maladies vasculaires, lésions à la moelle épinière). etc.
En somme, la question de nos auditrices est très pertinente pour montrer qu’il existe des réalités bien différentes et que l’expérience humaine face à la sexualité et les relations affectives est plurielle et fluctuante. Et, surtout, qu’on est loin d’avoir fini d’en apprendre sur nos explorations sentimentales et sexuelles.