Amitié : comment peut-on se faire des ami.e.s en tant qu’adulte?

Amitié et sexo?

La première chose que l’on se dira peut-être, c’est: mais pourquoi demander cela à un.e sexologue? On est loin de la sexualité là, non? Eh bien, pas nécessairement. La vie intime et sexuelle est liée à nos interactions sociales. Si on a une vie sociale bien remplie, qui nous satisfait, qui nous nourrit et qui nous permet, par exemple, de sortir de la routine du couple, cela peut être bénéfique pour les partenaires qui se retrouvent et peuvent échanger sur leurs expériences, voire s’ennuyer l’un.e de l’autre.

Cela peut aussi donner l’occasion de ventiler sur certains aspects du couple, du dating ou à propos de partenaires potentiel.le.s. De plus, cela peut permettre d’échanger des idées sur le célibat, l’amour, la sexualité, voire l’absence de sexualité, etc. mais également d’avoir des conseils et de l’écoute face à ces diverses situations, qu’elles soient romantiques, amoureuses et/ou sexuelles. Bref, l’importance de l’amitié n’est pas à négliger dans nos parcours de vie. 

D’ailleurs, en juillet dernier, le média The Conversation rapportait que le Directeur de la santé publique des États-Unis, Vivek Murthy, a qualifié d’”épidémie”, la solitude vécue par les Américain.e.s. Le Canada et le Québec ne sont pas en reste; dans une étude réalisée en cours de pandémie, soit 2020-2021, l’Institut du Québec a démontré que ce sont les jeunes de 15 à 34 ans qui se sentent les plus seul.e.s, tandis que Statistique Canada rapporte que c’est un jeune sur quatre âgé de 15 à 24 ans qui ressent de la solitude. Ces données, rapportées par nos collègues de Radio-Canada, démontrent que le problème est plus étendu que l’on pense. On y évoque même l’idée de créer un ministère de la Solitude, tellement la question est préoccupante pour la santé publique. 

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L’importance de l’amitié 

C’est une chose de s’alarmer sur la solitude des gens, mais est-ce qu’il y a une raison à cela? Les liens sociaux, et particulièrement d’amitié, sont-ils si importants? Eh bien, oui. Ils sont même vitaux. 

Dans une étude longitudinale réalisée à compter de 2006 sur plus de 8 500 participant.e.s en Irlande, Rose Anne Kenny, professeure et responsable de la Chaire de médecine gérontologique au Trinity College Dublin, s’est penchée sur le vieillissement de la population. Elle a constaté que l’amitié est non seulement importante, elle est même nécessaire à notre santé. Selon elle, nous avons besoin de liens sociaux et d’amitiés autant que de faire de l’exercice et avoir une bonne alimentation. Elle considère que cela est directement lié à une bonne santé physique et mentale. Elle explique, entre autres, que les personnes qui ont plus d’interactions sociales significatives ont moins d’inflammation, parce que les liens d’amitié agissent comme des anti-stresseurs. Et, on le sait, le stress provoque l’inflammation. 

Même son de cloche chez la journaliste scientifique Lydia Denworth, autrice du livre Friendship (WR Norton, 2021). Celle-ci explique que les personnes qui ont de bons liens sociaux ont une meilleure santé, dorment mieux et guérissent même plus rapidement. Sans oublier qu’elles vivent aussi plus longtemps. Importante l’amitié, disait-on? 

On trouve de tout, même un.e ami.e! 

Vous vous dites peut-être: c’est bien joli tout cela, mais comment je fais pour trouver des ami.e.s? Dois-je sortir plus? M’inscrire à des activités? Aller chez Jean Coutu? Bref, trouver l’amitié à l’âge adulte paraît peut-être plus compliqué pour certain.e.s. Plusieurs scientifiques et auteurices se sont penché.e.s sur la question.

Chez The Conversation qu’on évoquait en début de chronique, Kiffer Georges Card, professeur assistant à la Faculté des sciences de la santé de la Simon Fraser University, propose ce qu’il nomme des “approches prometteuses” pour réduire la solitude et encourager les gens à garder de bons liens sociaux.  Il en offre sept : 

  1. Avoir trois à cinq ami.e.s proches à contacter en cas de besoin
  2. Avoir une à trois heures d’interaction sociale par jour (la moyenne actuelle = 34 min.)
  3. Prioriser les moments avec les proches
  4. Diversifier ses relations sociales (les liens sociaux, même moins approfondis, sont tout aussi importants)
  5. Revenir vers les anciennes connaissances et ne pas hésiter à s’en faire de nouvelles 
  6. Reconnaître les risques de la solitude…
  7. Mais aussi ses bienfaits! 

Lane Moore, autrice des livres How To Be Alone (Atria Books, 2018) et You Will Find Your People : How to Make Meaningful Friendship as an Adult (Harry N. Abrams, 2023), explique qu’elle s’est retrouvée elle-même dans une impasse, car elle a réalisé que se faire des ami.e.s à l’âge adulte était légèrement plus compliqué que dans son enfance. Dans un extrait de son plus récent ouvrage, offert sur le site Vox.com, elle offre plusieurs trucs à essayer pour provoquer les choses et courir la chance de tomber en amitié. 

  • Écrire à un.e ami.e que vous avez en commun avec quelqu’un.e et avec qui vous estimez avoir des affinités;
  • Transformer une amitié en ligne en amitié dans la vie;
  • Approfondir une relation avec un.e collègue de travail avec qui on s’entend bien.

Elle souligne également que, oui, ça peut être stressant, déstabilisant et demandant. Il faut quand même accepter de se mobiliser et d’agir, car ça ne se fait pas tout seul. On doit donc accepter de se lancer. 

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Se lancer, c’est bien. Se connaître, c’est mieux. 

Évidemment, il y a des lieux communs. On entend souvent que, pour se faire des ami.e.s, il faut, par exemple, s’inscrire à une activité sportive, faire du bénévolat, se lancer dans un club de lecture, aller au restaurant et/ou dans un bar en solo, etc. Pour plusieurs, cela est plus facile à dire qu’à faire. Par exemple, en clinique, j’entends souvent ceci : “Mais si je ne sais pas ce dont j’ai envie? Quel groupe joindre? Quelle activité me tente?” La personne qui veut de nouvelles amitiés doit être disposée à ce que cela arrive et, plus complexe, doit se connaître un minimum. 

Lorsqu’une personne me pose cette question en clinique, j’essaie avant tout d’adresser les éléments suivants : 

  • Quels sont les intérêts et habitudes de la personne? Les connaît-elle? Si oui, peut-elle utiliser cela pour créer des liens avec des gens? Sinon, peut-on travailler sur l’idée de mieux connaître ce qu’elle aime et ce dont elle a envie? 
  • La personne a-t-elle l’espace pour créer de nouvelles amitiés? Ou simplement entretenir celles qu’elle a déjà?
  • Est-celle capable de déterminer dans quelles circonstances elle est plus apte à faire des contacts sociaux et, au contraire, dans quelles conditions cela empêche la création de liens? 
  • Que veut-elle combler avec les liens qu’elle souhaite créer? Si la personne n’est pas en capacité d’accueillir l’amitié, est-ce que le besoin à combler peut l’être autrement? 
  • Comment voit-elle sa vie idéale? Y’a-t-il des amitiés dans ce portrait? Si oui, comment se sont-elles développées et qu’est-ce qu’elles représentent dans la vie de la personne? Sinon, y’a-t-il un manque à combler? 

Des relations solides à long terme 

En somme, pour se faire des amitiés durables à l’âge adulte, il faut d’abord avoir une petite idée de qui on est et de ce que l’on veut. Est-ce que des amitiés peuvent arriver sans cela? Bien sûr. Mais si l’on souhaite des relations vraies et senties, on gagnera à connaître ses besoins et limites – du moins, un minimum! – afin d’installer des bases saines et solides avec les autres. 

Parce que, comme on dit : chassez le naturel, il revient au galop. Si on se force à faire quelque chose dont on a pas envie pour créer du lien (et on ne parle pas ici de faire un effort pour quelqu’un.e qui le mérite, par exemple), il y a de fortes chances que ça ne tienne pas dans la durée. Bref, il n’y a pas de formule magique autre que : être soi-même, accepter d’être vulnérable, consacrer du temps de qualité à des personnes qu’on aime et qu’on choisit et, finalement, faire de la place dans sa vie pour ces moments de connexion avec les autres.

Photo de une : Diva Plavalaguna

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