C'est quoi le BDSM

C’est quoi le BDSM?

Cagoules, cuir et cie

La mode est aux corsets et aux harnais. Le cuir et le latex ont la cote. Le plus récent défilé de Balenciaga a eu lieu la semaine dernière à Wall Street, la bourse de New York, et a mis de l’avant des mannequins entièrement masqué.e.s de cagoules en latex et portant des costumes associés à la pratique du bondage. Netflix propose la série Bonding qui met en vedette un personnage principal qui gagne sa vie comme dominatrice. TikTok a sa propre communauté kink regroupée sous le mot-clic #KinkTok. Sans oublier que, parmi les mots tendances de 2022, on a pu voir que les termes aftercare, ainsi que vanille versus kinky sont très fréquemment utilisés. 

Le monde du BDSM est partout dans la culture populaire et fait de plus en plus d’adeptes. Pas pour rien qu’il y a deux semaines, la plateforme sexologique Sexualis a lancé son programme de self-help intitulé « Découvrir le BDSM ». Le but de cette formation est d’aider les gens à savoir comment débuter et pourquoi entrer dans ce monde ainsi que comprendre les fondements de la pratique du BDSM. Il y a un intérêt évident envers cet univers. C’est pourquoi je vous propose une petite incursion dans ce monde où consentement, communication, règles et plaisir font loi. 

Écouter la chronique.

Un acronyme et 1001 possibilités

D’abord, ça veut dire quoi, BDSM? C’est un acronyme qui inclut les termes suivants : 

B : bondage (fait référence à des pratiques restrictives et contrôlées. On parle alors de bondage-discipline.)

D : discipline

DS : domination/soumission

S : sadisme

M : masochisme 

SM : sadomasochisme ainsi que slave et master 

Beaucoup d’écrits scientifiques de nos jours attribuent l’invention du SM, pour sadisme et masochisme, à Richard von Krafft-Ebing. Le psychiatre autrichien a écrit Psychopathia Sexualis, un ouvrage important paru en 1886 qui fait état de ce qu’on considérait à l’époque comme les diverses perversions et déviances sexuelles de l’être humain. C’est dans ce livre que les termes sadisme et masochisme ont vu le jour, bien que plusieurs chercheurs et chercheuses indiquent aujourd’hui que le terme sadisme, par exemple, aurait été utilisé bien avant.

Toujours est-il que Krafft-Ebing a mis en mots des comportements et pratiques méconnues du grand public, malheureusement en les pathologisant. C’est Freud qui aurait ensuite associé les termes sadisme et masochisme pour obtenir sadomasochisme. Ensuite, on s’arrête en 1969 pour retrouver le livre “Fetichism and Sadomasochism” de Paul Gebhard, collaborateur d’Alfred Kinsey, un pionnier de la sexologie. C’est dans cet ouvrage qu’on aurait nommé pour la première fois l’acronyme BDSM. 

D’où vient le BDSM?

Comme l’explique Peter Tupper, auteur du livre A Lover’s Pinch : A Cultural History of Sadomasochism (Rowman & Littlefield, 2018), remonter à l’origine du sadomasochisme est une entreprise complexe. En effet, les sexualités alternatives sont souvent, à travers l’histoire, ignorées, cachées, voire effacées. Et, on le voit aussi avec Krafft-Ebing, elles seront sinon prises sous l’angle médical et, souvent – on l’a dit – pathologisées. L’auteur de A Lover’s Pinch ajoute que cela se complexifie encore, car il faut également distinguer ce qui, dans l’histoire de l’humanité, constitue des pratiques religieuses – qui comprennent souvent une dimension de douleur, de souffrance nécessaire pour atteindre un état de grâce – versus les pratiques sexuelles. Parfois, les deux se mélangent. 

a lover's pinch

Par exemple, on retrouve la Tombe de la fustigation (Tomb of Whipping) en Italie. Construit vers 490 av. J.-C., ce monument étrusque contient des scènes érotiques où l’on peut voir des gestes qui s’apparentent beaucoup à de la flagellation. De plus, l’auteur Peter Tupper indique que les Étrusques utilisaient des représentations lubriques dans leurs tombes pour éloigner les démons, ce qui suggère que ces scènes étaient considérées à la fois comme spirituelles et érotiques.

Versatile Kamasutra

Selon The Conversation, on peut revenir plus loin encore dans le temps, soit vers 2500 av. J.-C., où l’on retrouve les traces d’une écriture cunéiforme sumérienne qui décrit les rituels autour de la déesse de la fertilité Inanna. On y décrit « les pénitences, les gémissements et l’extase » des adeptes de ce culte. On doit aussi revenir au Kamasutra. Premier document historique qui aurait fait mention du baiser, comme je l’expliquais dans ma plus récente chronique, il serait également une inspiration certaine pour les fondements du BDSM via les différentes explications qu’il offre de la discipline dans les pratiques sexuelles. Conséquemment, on comprend que le BDSM n’est pas qu’une mode reprise par la culture pop, mais bien un élément intégré dans la sexualité humaine, et ce, depuis longtemps. 

Les fondements

Évidemment, tout le monde a en tête le fameux kit de cuir ou de latex, le fouet ou la cravache, les menottes avec du minou. Si certaines personnes peuvent s’en tenir à l’utilisation de ce type d’accessoires, il demeure que le BDSM, c’est beaucoup plus que cela. En effet, ces lieux communs ont le désavantage de mettre de côté des notions importantes qui sont présentes dans les pratiques kinky, soit: le jeu, le plaisir, le consentement et les règles. 

La chercheure en sexologie Jessica Caruso, autrice du livre BDSM 101 : les règles du jeu (VLB Éditeur, 2016) et co-créatrice du programme « Découvrir le BDSM » chez Sexualis, offre une définition claire de ce qu’est le BDSM. C’est « un ensemble de jeux sexuels caractérisés par l’érotisation de la douleur et […] l’échange de pouvoir. [Il] est structuré autour d’une communauté d’adeptes dont les pratiques calculées, négociées et consenties fondent l’univers érotique. » 

« Réglé » au quart de tour

Ainsi, les pratiques BDSM sont organisées autour de règles; cela ne s’improvise pas. Ces jeux sexuels se vivent dans un cadre précis, avec un scénario préalablement élaboré et discuté. On parlera souvent de « scène » pour  décrire l’expérience sexuelle à laquelle participeront les personnes consentantes. Car le consentement est aussi l’un des fondements du BDSM. Il y a une négociation préalable des conditions dans lesquelles se déroulent les pratiques érotiques souhaitées.

Pour mieux comprendre et saisir comment s’établit une pratique BDSM, on peut utiliser une analogie intéressante que décrit bien Gabriel-le Beauregard, sexologue à la clinique Mestra. Imaginons un carré de sable. C’est un espace délimité à l’intérieur duquel on détermine les jouets utilisés et les actes autorisés. Chaque côté représente les conditions dans lesquelles se réalisent les pratiques : l’aspect physique (jusqu’où on veut aller, comment on se sent), la connaissance (du BDSM) de chaque participant.e, l’aspect psychologique et émotionnel (dans quel état on est et jusqu’où on veut aller) et la consommation de médication, alcool et drogues qui peuvent entrer (ou pas) en ligne de compte. Pendant le jeu, on peut avoir un mot de sécurité (safeword) qui permet d’ajuster/de stopper la pratique ainsi qu’un code de couleurs, comme un feu de circulation. 

🟢 Vert : tout est beau, on continue! 

🟡 Jaune : on doit ajuster! 

🔴 Rouge : on stoppe tout! 

BDSM consentement Gabriel-le Beauregard

D’autres outils pour mieux comprendre comment explorer les différentes pratiques BDSM sont offerts sur le site web de la clinique Mestra. 

Les raisons

Elles sont aussi variées qu’il y de personnes qui ont des pratiques du genre. Mais on peut tout de même voir certaines récurrences : l’envie d’explorer des gestes sexuels qui sortent de la génitalité, d’adopter différents rôles, de faire des expériences corporelles et affectives qui dérogent des scripts sexuels normatifs, atteindre un état de conscience altéré. C’est un élément qui revient souvent quand on lit sur le sujet : la pratique du BDSM peut comprendre des formes ritualisées qui permettent de lâcher prise et d’être dans le moment présent. Un peu comme on le fait quand on fait de la méditation ou qu’on entame une pratique de yoga en y intégrant une intention. Fait intéressant, dans une étude réalisée en 2019, Emma Sheppard de la University of London a découvert que plusieurs personnes vivant avec des douleurs chroniques utilisent le BDSM pour communiquer et contrôler la douleur.  

Plus encore, certaines personnes vont même utiliser le BDSM pour guérir de divers traumatismes. Selon une étude de 2021 intitulée Curative kink : survivors of early abuse transform trauma through BDSM, on rapporte que les participant.e.s transforment leurs traumas via des pratiques kinky en « restructurant le concept de soi, en atteignant une libération dans leur relation, en réclamant son propre pouvoir, en réorientant les comportements et en redéfinissant le concept de douleur » (traduction libre). 

S’éloigner des clichés et embrasser la diversité

Quand on s’y intéresse moindrement, on constate que le BDSM est loin des clichés et préjugés qui l’entourent et qu’au contraire, c’est un univers qui mérite attention. Et si vous vous questionnez sur la santé mentale des gens qui le pratiquent, car on sait très bien que ces personnes vivent énormément de jugements négatifs quant à leur état d’esprit et motivations, sachez qu’elle est non seulement tout à fait normale, mais aussi saine.

En effet, selon Jessica Caruso dans son ouvrage BDSM 101, ces personnes «[…] présentent un niveau inhabituellement élevé de compréhension de la sexualité, des relations érotiques et des stratégies de communication.» D’après la formation Sensibiliser aux réalités BDSM, offerte en 2021 à l’Association des sexologues du Québec (ASQ) par Gabriel-le Beauregard, sexologue, ce sont aussi des gens qui ont une « perception subjective de bien-être plus élevée », les enjeux en santé mentale sont similaires à celles vécues par la population générale et ils ont, entre autres, « plus confiance en leurs relations ». 

Si vous souhaitez vous lancer…

Vous ne savez pas par où commencer, car le sujet est encore tabou et vous avez peur du jugement? Pas de soucis! 

  • Vous pouvez essayer le BDSM test (en anglais) en ligne, afin de vous donner un aperçu de ce qui vous interpelle dans ces pratiques.; 
  • Vous avez, bien sûr, la formation offerte par Sexualis qui s’intitule Découvrir le BDSM;
  • Je vous recommande également l’essai de Jessica Caruso, BDSM 101, publié chez VLB Éditeur et qui est vraiment un must;
  • Allez faire un tour sur le site de la clinique Mestra ou, encore celui de Gabriel-le Beauregard, sexologue afin d’avoir des fiches explicatives hyper bien faites sur le sujet; 
  • Si vous êtes sensibles à la poésie, il y a Kink : une initiation poétique au BDSM de Pascale St-Onge et Frédéric Sasseville-Painchaud aux Éditions du Remue-Ménage;
  • Si vous avez envie de vous initier au shibari, l’art japonais du bondage avec des cordes, il y a Tension Montréal qui offre des ateliers et formations dans un contexte sécuritaire et inclusif. 

Image de une : Anna Shvets via Pexels

1 Comment

  1. Un article intéressant qui explique bien les centaines de possibilités qui se cachent derrière ce nom qu’est le BDSM

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *