augmentation du pénis

Pourquoi certains hommes se tournent vers l’augmentation du pénis ?

En faisant mes recherches pour cette chronique, j’étais curieuse de voir quels résultats ressortent des recherches effectuées au Canada avec le mot « pénis ». J’ai donc utilisé l’outil Google Trends. Parmi les requêtes populaires, on a, entre autres : 

penis enlargement surgery near me (chirurgie d’agrandissement du pénis près de chez moi)

how to increase penis size (comment augmenter la taille du pénis)

how to make penis bigger (comment rendre le pénis plus gros)

Ce qui est tout de même assez parlant. Mais pourquoi les hommes veulent-ils à ce point un gros membre ? 

*Dans ce qui suit, je me concentrerai principalement sur les hommes dont l’identité de genre correspond à leur sexe assigné à la naissance.

Écouter la chronique audio.

Un « boom » chirurgical pour l’augmentation du pénis

Dans les dernières années, on a pu voir une augmentation de la demande pour des procédures chirurgicales du pénis ou du scrotum, invasives et non invasives. On ne parle pas juste d’une tendance, mais, dans certains cas, d’un véritable « boom ». Pour faire un rapide tour d’horizon, on peut aller voir du côté de Your Sexual Medecine journal. En 2022, le média proposait un papier intitulé « New trend in medecine : aesthetical genital surgery » (Nouvelle tendance en médecine : la chirurgie esthétique génitale). Parmi les pratiques montantes, on trouve : l’augmentation de la longueur et de la circonférence du pénis, la frénuloplastie (ou frénulotomie, ou la coupure du frein du pénis pour assurer un plus grand espace), la scrotoplastie (chirurgie reconstructive du scrotum), la préputioplastie (correction chirurgicale du prépuce) et l’augmentation du gland du pénis. 

Les plus populaires et sur lesquelles je m’attarderai plus en détail ici sont les « penis filler » (ou remplissage du pénis). Cette méthode fait partie de la catégorie de soins non invasifs. On injecte de l’acide hyaluronique à certains endroits sur le pénis ou le scrotum. Cela permet d’augmenter la circonférence du pénis et de donner une apparence plus « pleine » et plus « gorgée » du membre. Selon The Cut, le remplissage commence à se dissoudre après six à huit  mois, mais peut durer jusqu’à trois ans. Un seul traitement peut aller jusqu’à 15,000$ en dollars américains. 

Pour mieux comprendre comment ce fameux remplissage est présenté à la clientèle, toujours dans The Cut, on propose une interview avec l’une des vedettes médicales de l’heure, Chris Bustamante, aussi connu sous le pseudonyme Injector Chris. Le doctorant en sciences infirmières de l’Université Columbia voit la procédure ainsi : 

« [Il] y a un côté artistique à cela, à rendre le résultat agréable : esthétique, sans grumeaux, lisse, cohérent, naturel au toucher […] Ce que je fais pour le visage en tant qu’artiste, c’est la même chose que je fais aussi en bas. » (traduction libre) 

Chris Bustamante

On comprend donc que la chirurgie esthétique poursuit son chemin logique vers l’amélioration du corps entier, incluant les organes génitaux. 

Un symbole de virilité 

Le pénis occupe une place singulière dans l’imaginaire collectif. Dès leur jeune âge, les gens ont rapidement appris à dessiner ce membre et ont souvent déjà entendu les insultes qui rappellent aux porteurs de pénis qu’ils ont peut-être une chose insignifiante dans leur culotte. D’ailleurs, rappelons-nous la réplique de la jeune militante écologiste Greta Thunberg au masculiniste Andrew Tate. À ce dernier – qui affirmait fièrement avoir 33 automobiles et lui proposait de lui en envoyer la liste de ses engins ainsi que la pollution que chacune émet, via courriel – elle disait : 

yes, please do enlighten me. email me at smalldickenergy@getalife.com (Oui, s’il te plaît, éclaire-moi. Écris-moi à : énergiedepetitpénis@trouvestoiunevie.com)

En somme, elle lui dit: tu peux bien fanfaronner, au final, tu n’es qu’un homme avec un petit pénis. Bref, un homme ridicule, insignifiant. Un enfant, quoi.  Même Trump y est passé. Selon Les Inrocks, dans l’autobiographie de Stormy Daniels, Full Disclosure, l’ex-actrice de films porno compare le membre du président désigné des États-Unis, au personnage de Toad dans l’univers de Mario Bros. Rien de viril ou de puissant dans cette image; on lui enlève plutôt toute sa crédibilité. 

Ces exemples démontrent  à quel point il est ancré dans nos esprits qu’un homme doit avoir un organe génital de bonne dimension pour être pris au sérieux. Il n’est donc pas étonnant, dans ce cas, que nombre d’entre eux se tournent vers divers procédés médicaux pour s’assurer d’avoir un membre « acceptable ». 

À LIRE : Peut-on avoir une sexualité en dehors de la pénétration ?

Une question de confiance

La raison principale pour faire appel à ce type de procédure demeure la confiance en soi. Selon plusieurs études récentes, on constate que les hommes qui consultent ont souvent des pénis tout à fait dans la moyenne et sans problèmes apparents. Le souhait, avec le « remplissage », est d’avoir un membre plus à la hauteur des attentes. Ou, du moins, des attentes supposées. Parce qu’il n’y a pas que les femmes qui rencontrent des enjeux d’image corporelle, les hommes aussi.

Dans une étude de 2022, intitulée « Révélations sur les hommes qui cherchent à avoir recours à la chirurgie d’augmentation du pénis : un aperçu », on explique que diverses forces sociales ont amené les hommes à se questionner sur la grosseur de leur membre, voire à douter de leurs performances sexuelles. On peut penser à l’influence de la pornographie, à celle des plateformes sociales, mais aussi aux représentations culturelles liées à la masculinité (ex.: films de superhéros) et aux idéaux derrière la masculinité toxique qui privilégie une image viriliste de l’homme. 

… et de croyances

D’ailleurs, une étude parue en 2021 le Journal for the Scientific Study of Religion amène des conclusions à la fois fort intéressantes et troublantes. Intitulée « Linking Evangelical Subculture and Phallically Insecure Masculinity Using Google Searches for Male Enhancement » (Les liens entre la sous-culture évangélique et l’insécurité phallique masculine via l’usage de recherches Google sur l’augmentation du pénis – traduction libre), elle démontre qu’il y aurait une corrélation entre croyances religieuses et sentiment d’inadéquation face à la masculinité et, particulièrement, face à la grosseur du pénis. 

L’équipe a analysé, à l’aide de Google Trends, la prévalence des recherches explicites de termes et d’expressions de « mise en valeur masculine ».Ces facteurs devaient révéler deux choses : l’assimilation d’une sous-culture qui valorise les stéréotypes essentialistes et dominants de la masculinité, et la déception ressentie en privé de ne pas réussir à se conformer à ces normes. Iels ont découvert que la prépondérance des évangéliques dans un État prédit systématiquement davantage de recherches Google pour des termes et des expressions comme  « agrandissement du pénis » ou « ExtenZe » (supplément naturel qui augmenterait le désir et améliorerait les performances sexuelles). 

Iels émettent l’hypothèse suivante : une sous-culture évangélique largement patriarcale – et de plus en plus radicalisée – promeut explicitement ou implicitement l’assimilation de la masculinité à la force physique et à la taille. Selon eux, cette sous-culture, qui influence tant les évangéliques que les non-évangéliques, pousse ces derniers à rechercher des réponses à leur sentiment d’inadéquation personnelle. Ce qui, comme sexologue, me laisse croire qu’il doit y avoir énormément de détresse, de souffrance et d’impuissance (sans mauvais jeu de mots) qui se vit en solitaire. 

Des traitements expérimentaux

Un autre élément assez crucial à mentionner, c’est que ces soins esthétiques demeurent, pour le moment, dans la catégorie « expérimental ». En effet, selon le magazine Salon.com, plusieurs organisations médicales américaines s’intéressent aux procédures d’augmentation du pénis, car la demande ne cesse de croître. Pour le moment, il n’y aurait pas de marche à suivre officielle pour s’assurer d’avoir les bonnes pratiques et de bien connaître les risques associés à ces chirurgies. 

D’après l’article de Salon toujours, paru tout juste à la fin octobre dernier, la Société de médecine sexuelle de l’Amérique du Nord a déclaré que, en somme, il n’y a pas suffisamment de recherches à l’heure actuelle pour offrir des recommandations à ce sujet. Même son de cloche chez The Cut qui explique que la FDA (Food and Drug Administration) a approuvé l’utilisation d’acide hyaluronique, mais pas spécifiquement pour le pénis. L’urologue et membre de l’Association américaine d’urologie, Justin Dubin, interviewé pour le magazine, explique qu’il voit la procédure comme « raisonnablement sécuritaire », mais recommande de consulter en urologie d’abord. 

Il nomme d’ailleurs la dysmorphophobie (s’inquiéter de l’apparence du pénis, y voir des défauts qui n’y sont pas) et le syndrome du petit pénis (ressentir de l’anxiété face à la grosseur de son pénis, alors qu’il est dans la norme) parmi les raisons qui font que les hommes se lancent dans l’augmentation pénienne.  

Des attentes irréalistes

La conclusion de tout cela, c’est surtout que les hommes sont aux prises avec des attentes irréalistes face à la masculinité. Alors qu’il y a 1001 façons d’être masculin, on continue de s’attarder à la grosseur du pénis comme un symbole de virilité et de puissance. Pas pour rien que de jeunes hommes souffrent d’anxiété de performance et utilisent de plus en plus le sildénafil (Viagra) pour « assurer » lors de leurs relations sexuelles. Cela vient aussi du fait que l’on continue de considérer la pénétration comme LA seule et bonne façon d’avoir de la sexualité. 

On peut se rappeler que tous les pénis – à moins d’avoir un problème de santé qui crée des inconforts, de la douleur, un danger pour la santé – sont très bien comme ils sont. Et si une personne veut augmenter la taille de son pénis – on fait bien des augmentations mammaires! – souhaitons juste qu’elle le fasse par amour pour elle-même et pas juste parce qu’elle croule sous des injonctions étouffantes. 

Photo de une : Dainis Graveris

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