ovule

Quand a-t-on découvert l’ovule?

On a reçu la question suivante de notre auditrice Fabienne Grenier: « Quand est-ce que l’on l’a découvert l’ovule ? Je sais que dans l’Antiquité, on pensait que « tout l’enfant » était contenu dans le sperme. Et que l’apport de la femme c’était de le faire croitre, de façon matérielle, soit par les aliments. Mais admettant cela, comment expliquaient-il les cas où l’enfant ressemble à sa mère ? Ma question est de savoir quand on a compris que l’apport de la femme était matériel, certes, mais aussi formel. » 

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Lorsqu’on parle d’ovule de nos jours, c’est majoritairement dans le cadre d’une discussion concernant la fertilité. Parce que, sans ovule, pas d’embryon. Mais pourtant, dans l’histoire, ça aura pris du temps – et des avancées scientifiques! – pour comprendre que l’ovule – ou plutôt l’ovocyte – a un rôle crucial à jouer dans la reproduction humaine. Et comment la fécondation fonctionne, point. Je vous propose un petit tour d’horizon de cette fascinante et rocambolesque histoire. 

* J’utilise les termes femmes/hommes, féminins/masculins, femelles/mâles. Ceci a pour but d’être fidèle aux nomenclatures de l’époque qui, sans surprise, sont très cisgenrées et hétéronormatives. 

À quoi sert l’ovule?

On doit avant tout définir ce qu’on entend par ovule et à quoi il sert. Pour ce faire, il y a plusieurs éléments à connaître. Il y a d’abord l’ovaire. C’est une glande génitale femelle qui produit des ovocytes. Ces dernières sont des cellules reproductrices femelles. Du côté mâle, leurs équivalents sont les spermatozoïdes. Chaque mois, l’ovaire amène un ovocyte à maturation pour être fécondé par un spermatozoïde. On appelle ce processus l’ovulation. De plus, on confond souvent ovule et ovocyte, mais c’est lorsqu’il y a fécondation par un spermatozoïde qu’on l’appelle alors ainsi. De nos jours, on sait que l’ovule contient l’ensemble du bagage génétique d’un individu. D’une part, il y a l’ovocyte (chromosome X), d’autre part, le spermatozoïde (chromosome X ou Y). Ceci va servir à déterminer le sexe de l’embryon. 

Une invention qui change tout…ou presque 

Ce qui permettra de mieux comprendre le fonctionnement de ces différents éléments, c’est l’invention du microscope. Galilée fait partie de la liste des possibles inventeurs de l’outil, avec une lentille qu’il aurait utilisée dès 1609. Par contre, on souligne aussi que c’est vers 1590 que Hans et Zacharias Janssen, père et fils, créent le premier microscope composé. Des améliorations substantielles seront apportées à l’objet dans les années suivantes, ce qui permettra au scientifique Robert Hooke de publier son ouvrage Micrographia (1667), remplis de dessins de ses observations. Ce livre aura une grande influence sur un certain Antoni van Leeuwenhoek. Considéré comme le père de la microbiologie, ce néerlandais apportera des améliorations majeures à l’objet. Cela permettra au médecin et anatomiste Reinier de Graaf de faire la découverte des follicules ovariens en 1670. Quant à van Leeuwenhoek, il sera le premier à observer un spermatozoïde en 1677.  

À partir de là, on peut se dire que la science va permettre de mieux comprendre comment fonctionne la procréation. Mais c’est sans compter les théories de l’Antiquité et du Moyen-Âge qui ont encore cours. Les écrits d’Aristote, d’Hippocrate et de Galien influencent encore fortement la médecine. Comme l’indique l’auteur américain Thomas Laqueur dans son ouvrage La fabrique des sexes (1992) – ouvrage  extrêmement populaire, mais aussi critiqué pour son manque de nuances – jusqu’au 18e siècle, on utilise ce qu’il appelle « le modèle à un sexe » pour réfléchir le sexe femelle et mâle. On croit encore les théories de Galien qui explique que le sexe féminin est similaire au sexe masculin, mais inversé et à l’intérieur du corps. S’il en est ainsi, c’est qu’il n’a pas assez de souffle vital (le pneuma) et de chaleur pour les faire sortir à l’extérieur. Le corps féminin est vu comme froid, humide, mou et lent, tandis que le corps masculin est chaud, sec, vif et fort. Ainsi, le sexe femelle est une version imparfaite du sexe mâle sur lequel on base la soi-disant « normalité ». Ceci est important à savoir, car cela va influencer la façon de concevoir l’apport de la femme dans la reproduction. 

Une querelle inusitée 

Si l’on revient aux premiers explorateurs du microscope, De Graaf et van Leeuwenhoek, il faut savoir que leurs découvertes ont causé tout un émoi dans le monde scientifique. Au point même de créer la fameuse querelle entre les ovistes et les animalculistes. En effet, les explorations de De Graaf sur la reproduction des espèces vivipares avec le microscope l’amènent à formuler une hypothèse singulière. Selon lui, un être en devenir se trouve déjà tout entier dans l’œuf (l’ovule). Sept ans plus tard, quand van Leeuwenhoek découvre le spermatozoïde, il croit y voir un minuscule être humain recroquevillé. On le surnommera alors animalcule (pour animal microscopique). Le terme homoncule sera utilisé pour désigner le petit être humain qui se trouve à l’intérieur du spermatozoïde.

On voit alors deux camps se former; d’un côté, les ovistes qui croient que l’organisme vivant est déjà présent dans son entièreté dans les ovocytes et que le sperme sert à « le réveiller pour commencer sa croissance ». De l’autre, les animalculistes ou spermistes, qui estiment que c’est plutôt les spermatozoïdes qui contiennent de petits organismes minuscules prêts à grandir, tandis que l’ovocyte ne fait  que « fournir la nourriture »

Même si ces deux partis s’opposent, il demeure que ces hypothèses vont de pair avec la théorie du préformationnisme. Celle-ci veut que les organismes se développent « à partir de versions miniatures d’eux-mêmes ». À l’inverse, l’épigenèse suggère plutôt que les organismes vivants sont issus d’une forme simple (graine, œuf). Ensuite, leur développement se fait par étapes pour se complexifier. Les partisan.nes de cette théorie estiment que les deux sexes contribuent à la création d’un organisme vivant, mais sans savoir exactement comment. Mais l’apport de la femelle demeure généralement passif: soit le sperme est l’activateur, soit l’ovocyte n’est que temporairement nourricier.  

Des avancées notoires 

Les explorations se poursuivront, amenant des expérimentations plutôt originales, comme celle du biologiste Lazzaro Spallanzani. Vers 1780, il fait copuler des grenouilles et des crapauds, mais en installant préalablement des « petits pantalons de taffetas » sur ces derniers afin qu’il n’y ait pas d’échange de sperme. Résultat: aucune procréation. Par contre, il sera le premier à réaliser une fécondation in vitro en appliquant lui-même le sperme sur les œufs de grenouille. Cela semble loufoque, mais c’est une avancée scientifique importante. Elle permet de comprendre le fonctionnement du processus de fertilité et l’interaction entre le sperme et les ovocytes. 

C’est toutefois plus de cent ans plus tard que l’embryologiste allemand Wilhelm August Oscar Hertwig découvre, pour la toute première fois, le processus de reproduction sexuelle. En effet, c’est en observant des oursins au microscope que ce dernier assiste à cet événement de la nature. On estime que cette découverte « a ouvert la voie aux techniques de fécondation et de reproduction assistée. » (traduction libre) En 1876, il publie le fruit de ses recherches en expliquant que « la fécondation se produit lorsque le spermatozoïde pénètre dans l’ovule (plutôt l’ovocyte, pour ensuite créer l’ovule) et que ses noyaux fusionnent ». (traduction libre) Selon lui, le noyau formé par les deux éléments contient la substance responsable de la fécondation, mais aussi des caractéristiques héréditaires. C’est en 1944, après sa mort, que sa théorie s’avère fondée; il avait déjà trouvé l’ADN. Ainsi, presque trois cent ans après les premières observations microscopiques, on comprend enfin l’apport des deux éléments, le spermatozoïde et l’ovocyte. Deux systèmes qui collaborent pour créer la vie. Finalement, on a l’heure juste! Enfin presque. 

Des stéréotypes bien ancrés 

Encore de nos jours, il faut déconstruire l’idée que le spermatozoïde est le conquérant qui va fertiliser l’ovocyte passif. Pourtant, rien n’est plus faux. C’est ce qu’ont démontré la directrice de l’Institut de santé et bioéthique à l’Université du Texas, Lisa Campo-Engelstein et la psychothérapeute Nadia L. Johnson. En 2013, elles publient Revisiting “The fertilization fairytale:” an analysis of gendered language used to describe fertilization in science textbooks from middle school to medical school (2013), un papier qui, comme son titre l’indique, déconstruit les stéréotypes sexistes reconduits dans les livres scolaires. Dans une entrevue offerte à Vox, les deux spécialistes expliquent que ces clichés sont nocifs. Ils sont problématiques, non seulement pour la science – l’information est inexacte – mais également pour ce qu’ils disent des rôles sociaux féminins et masculins. Et, surtout, indiquent qui a de l’agentivité et qui n’en a pas. 

La vérité, c’est que tout le système reproducteur femelle aide les spermatozoïdes à aller de l’avant. Leur supposée course folle vers l’œuf à féconder est en fait un long chemin facilité par l’utérus qui crée des contractions pour permettre une remontée vers l’ovocyte. Une fois qu’un de ces spermatozoïdes approche de l’ovocyte, c’est sa structure qui le retient. En effet, il semble que les spermatozoïdes ont tendance « à s’échapper en tentant de s’extraire de l’ovule». Comme quoi, rectifier les faits permet de nous connaître un tout autre narratif… Raison de plus pour revenir sur l’histoire de la fécondation. On peut ainsi dépoussiérer de fabuleuses expériences (les crapauds en short!) et revoir nos idées préconçues sur ce qu’on sait – ou pensait savoir – sur ce fascinant processus. Merci Fabienne!

Photo de Nadezhda Moryak provenant de Pexels

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