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Santé sexuelle: six conseils pour une jeune ado attirée par les filles

Une chronique pour Moteur de recherche dans laquelle j’offre quelques conseils pour savoir comment aborder la santé sexuelle avec une jeune ado attirée par les filles.

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Depuis quelques mois, la compagnie de préservatifs et lubrifiants Durex fait une grande campagne publicitaire sur les réseaux sociaux. L’idée est d’aborder la diversité sexuelle. Accompagnées du mot-clic #DitesLeAvecFierté, les publicités montrent diverses catégories de personnes LGBTQ+, dont l’une avec deux personnes de sexe féminin. Sous la publication, on trouve plusieurs commentaires. En gros, on y exprime incompréhension et incrédulité: pourquoi montrer ces personnes pour parler de protection? Parce que, pas de pénis dans l’équation, donc pas besoin de condom ni de quoi que ce soit, non? Eh bien, non.

Pas vraiment étonnant de tomber sur ce type de réactions. Parce que la réalité des femmes qui ont des relations sexuelles avec des femmes est un angle mort de la santé sexuelle. Et il faut y remédier. D’autant plus si on s’adresse à de jeunes filles qui découvrent leur attirance pour d’autres jeunes filles. Et qui veulent avoir une vie sexuelle épanouie et sécuritaire. 

Voici donc quelques conseils simples pour aborder le sujet de la sexualité et la santé sexuelle avec votre ado.

Attirance/orientation sexuelle: valider ce que l’ado ressent 

Une première chose à garder en tête: la sexualité est quelque chose de fluide. Si votre jeune exprime qu’elle se sent attirée par d’autres filles – et à moins qu’elle ne l’affirme elle-même – on ne peut pas tenir automatiquement pour acquis qu’elle est lesbienne. Parce que l’orientation sexuelle peut fluctuer, particulièrement à l’adolescence qui est une période de changements et de questionnements. Idéalement, on ne lui appose pas d’étiquette pour la catégoriser; ça peut autant être un désir durable que potentiellement fluctuant. Dites-vous – dans votre tête – que tout ça peut bouger, peut changer. Il faut simplement faire attention de ne pas invalider son attirance et/ou son orientation sexuelle. 

Si on dit à la jeune que la sexualité est fluctuante et qu’elle se sent lesbienne, elle peut penser qu’on ne la croit pas. Et qu’on estime qu’un jour ou l’autre, elle sera inévitablement hétéro. C’est un délicat équilibre à trouver entre, d’une part, croire et valider les sentiments de sa jeune face à la sexualité et l’orientation sexuelle. Et, d’autre part, de savoir et permettre que ça puisse changer. Elle découvrira peut-être qu’elle est lesbienne ou bisexuelle. Ou, encore, pansexuelle. Voire même plus souvent hétérosexuelle, mais parfois sexuellement attirée par d’autres filles (on parle aussi d’hétéroflexibilité). C’est elle qui sera la meilleure personne pour mettre des mots sur ce qu’elle ressent. Conséquemment, il est important de ne pas invalider son ressenti intérieur. De discuter ouvertement de ses envies, mais sans à priori sur l’orientation sexuelle. Elle a toute la vie pour se choisir ou elle pourra aussi demeurer en questionnement; l’essentiel est avant tout de l’écouter et l’appuyer. 

Il faut (mieux) parler des relations sexuelles entre femmes 

Qui n’a jamais entendu la fameuse blague des ciseaux pour parler de la sexualité entre femmes? Non seulement c’est un préjugé tenace, mais c’est aussi réduire leur sexualité à un stéréotype. Stéréotype qui, au final, n’existe même pas dans les pratiques sexuelles. De plus, on associe souvent la sexualité des femmes entre elles au fait d’être lesbienne. Mais plusieurs femmes ont des relations sexuelles avec d’autres femmes, tout en ne se définissant pas ainsi. Dans le langage sexologique, on parle des FARSAF (femmes ayant des relations sexuelles avec les femmes). Et c’est important de faire la nuance. Parce que ça démontre que la sexualité est aussi fluide et difficile à étiqueter, que libre et plurielle. 

Ajoutons à cela que la culture populaire – qu’on parle d’émissions de télé, de films, de magazines, etc. – met majoritairement de l’avant des sexualités hétérosexuelles. Il n’y a donc pas tant de modèles qui existent pour montrer aux jeunes filles qu’elles peuvent avoir une sexualité complète et épanouie en la vivant avec une autre fille. D’autant plus que, pendant longtemps, les représentations de la sexualité entre femmes ont été créées sous couvert d’excitation masculine. On acceptait de mettre de l’avant ces relations sexuelles, seulement si elle pouvait desservir la sexualité masculine. Il y a une longue tradition de films d’ados qui ont été conçus avec cette vision sexiste. Mais, heureusement, plusieurs séries télé et films actuels changent les discours. Pensons à des séries comme Sex Education (qui a quand même trouvé le moyen de montrer une scène de «ciseaux», même si ça se voulait caricatural) et I Am Not Okay With This. Il y a encore du travail à faire, mais ça bouge. 

Il est donc important d’appuyer votre ado dans ses sentiments et désirs, comme on le disait plus tôt. Mais également d’avoir à l’esprit qu’il s’agit d’une sexualité entière et totalement valide. Plus on combat les préjugés, plus ils finiront par tomber. 

À LIRE ÉGALEMENT: Comment parler de sexualité avec les ados?

Les ITSS, ça la concerne aussi

Comme on l’a vu plus tôt avec la campagne de Durex, on croit souvent à tort que les femmes qui ont des relations sexuelles entre elles n’ont pas besoin de protection contre les ITSS. Mais c’est faux. Les ITSS touchent tout le monde et font partie de la santé sexuelle. Et ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de relation sexuelle avec un pénis qu’il n’y a pas de risques.

Pour rappel, les ITSS sont des infections transmissibles sexuellement et par le sang. On parle donc ici de fluides corporels comme les sécrétions vaginales, la salive, etc. S’il y a des échanges de fluides ou un contact direct avec une surface infectée, il peut y avoir contraction d’ITSS. La pratique du sexe oral et anal peut aussi être à risques, mais également les caresses faites avec les doigts (ex.: qui passent d’un sexe à l’autre ou du vagin à l’anus) ainsi que l’échange de jouets sexuels. Ces derniers doivent être préalablement nettoyés avant d’être utilisés/échangés. 

Les jeunes sont particulièrement touché.es par la chlamydia, la gonorrhée et le VPH (virus du papillome humain). L’herpès aussi. La syphilis fait également un important retour. De plus, plusieurs ITSS sont asymptomatiques; on peut donc être infecté.es sans le savoir et le transmettre.. Bref, il faut se protéger; peu importe qui on a dans son lit. 

Savoir se protéger 

Malgré tout, on parle assez peu de protections pour les personnes de sexe féminin qui ont des relations sexuelles avec d’autres personnes de sexe féminin. Pourtant, elles doivent aussi pouvoir se protéger. Le condom dit «masculin» peut être utilisé pour échanger des jouets sexuels (comme le vibrateur, par exemple). Même chose avec les condoms dits «féminins». Mais ils sont plutôt difficiles à trouver en pharmacie –  il faut souvent les faire commander – parce que peu populaires. Ils peuvent servir, par exemple, lors d’échanges de jouets sexuels.

Un moyen de protection dont on parle de plus en plus, mais qui demeure méconnu est la digue dentaire. C’est un carré de latex, d’abord utilisé chez le.la dentiste. Mais, faute de méthodes de protection adéquates, de nombreuses personnes LGBTQ+ l’ont détourné pour l’utiliser lors de relations sexuelles. La digue dentaire peut servir lorsqu’on pratique le sexe oral, en l’apposant sur la vulve ou l’anus. On en retrouve majoritairement dans les sex-shops et ça peut parfois se dénicher en pharmacie, mais c’est plutôt rare. À défaut d’en avoir sous la main, une méthode utilisée pour s’en procurer est celle d’en découper une dans un condom. 

Cela dit, il faut spécifier que la digue dentaire demeure une protection qui n’est pas largement répandue. Le quotidien américain The Atlantic a d’ailleurs fait un papier sur le sujet l’an dernier: Noboby Uses Dental Dams. So Why They Still Exist?.  En effet, si personne ne les utilise, pourquoi on prend la peine d’en parler? C’est que, pour de nombreuses personnes LGBTQ+, leur seule existence permet de valider des sexualités qui sortent de l’hétéronormativité. Aborder les digues dentaires dans l’éducation à la sexualité, c’est normaliser et valider d’autres types de sexualités. Et, juste pour ça, c’est important d’en parler. 

La santé sexuelle fait aussi partie de la sexualité 

On peut aussi simplement discuter de santé sexuelle et d’hygiène. Par exemple, parler de menstruations et de leur fonctionnement. S’assurer que tout se passe bien et que votre fille soit bien outillée pour bien bien vivre ses règles. Tant au niveau des méthodes utilisées (coupe menstruelle, serviettes, tampons, etc.) que du côté de la gestion de la douleur. Comprendre ce qui  constitue des saignements normaux ou anormaux, savoir déterminer s’il y a un problème quelconque avec celles-ci, etc.

Si votre ado a une sexualité plus «flexible» et qu’il n’est pas exclu qu’elle puisse explorer sa sexualité avec une personne qui a un pénis; discuter des différentes méthodes de contraception est une bonne idée. D’autant plus que celles-ci peuvent aussi aider à gérer les douleurs menstruelles. Ou, simplement, à les prendre en continu pour ne pas avoir de règles. 

On peut également aborder la visite chez le.la gynéco. C’est une bonne ressource pour mieux connaître les différents contraceptifs, en apprendre sur le fonctionnement des règles, sur les bonnes habitudes pour son hygiène personnelle, etc. Par exemple, obtenir de l’information sur la vaginite (trichomonase, vaginose ou candidose). Elle est très fréquemment contractée. Selon la Santé publique, on estime que « 75% des femmes auront une infection vaginale au moins une fois dans leur vie»). Pas considérée comme une ITSS, elle peut tout de même se contracter lors d’une relation sexuelle. 

Être bienveillant.e

De façon générale, le meilleur conseil demeure la bienveillance, l’ouverture et la compréhension face à la sexualité actuelle ou en devenir de votre ado. Entre autres, parce que les femmes qui font partie de minorités sexuelles sont plus susceptibles d’être stigmatisées, de vivre du stress et de l’anxiété. Elles sont également plus à risque d’ abus de drogues et d’alcool. De plus, un élément dont on ne parle pas assez: la violence au sein des couples LGBTQ+ serait aussi fréquente que chez les hétéros. Mais, selon l’INSPQ, il y a un plus grand risque que ce ne soit pas dévoilé. Et ce, à cause des préjugés et stigmas entourant les personnes LGBTQ+.

En fait, en gardant ces informations en tête, il faut simplement se montrer disponible. Avoir à l’esprit qu’on parle ici de sa santé sexuelle et que c’est important. Créer un climat sécuritaire où votre ado se sent en confiance et ne pas forcer les choses. Et, surtout, lui faire sentir qu’on la respecte dans ses choix. C’est la base pour une discussion saine et franche sur le sujet.

Photo de une: Mahrael Boutros via Unsplash

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