non monogamie

Non monogamie ou les nouvelles configurations amoureuses/ sexuelles

Une chronique à Moteur de recherche dans laquelle de parle de non monogamie éthique. 

Une épineuse question

On a reçu la question suivante d’une auditrice : 

« On parle souvent de la réalité du couple ouvert, mais beaucoup moins de celle de la personne invitée dans le couple, aussi appelée « licorne ». Pour ma part, je me suis sentie assez souvent exploitée par des couples en manque de nouvelles expériences. C’est encore pire quand tu fais partie d’une minorité sexuelle; le côté « expérience » prend un tout autre sens. »  – Notre auditrice

Avez-vous déjà entendu ces termes : licorne, couple ouvert? Peut-être que vous êtes plus familièr.e.s ou, du moins, que vous avez déjà eu vent du mot polyamour? La question de notre auditrice tombe pile. En effet, votre chroniqueure vient tout juste de suivre une formation sur la non-monogamie éthique avec la sexologue Catherine Desjardins de la Clinique sexologique Mestra. J’en profite donc pour vous offrir une petite visite guidée du vaste univers de la non monogamie éthique. 

Écouter la chronique audio.

De (pas si) nouvelles pratiques

Du grec monos pour unique et gamos pour mariage, le mot monogamie fait référence à relation amoureuse et sexuelle exclusive entre deux personnes. Son opposé est la polygamie, du grec poly pour plusieurs et gamos pour mariage. Notre société est basée sur la mononormativité, c’est-à-dire que nous valorisons les relations monogames. Des exemples? Toutes les téléréalités actuelles sont basées sur l’émergence d’un couple monogame, que ce soit Occupation double, L’amour est dans le pré ou Si on s’aimait. La Saint-Valentin approche et que voit-on le plus? Des images marketing de couples, composés de deux personnes. 

Ajoutons également que les relations monogames sont encouragées et légalement reconnues, contrairement aux relations polyamoureuses. La polygamie, quant à elle, est interdite au Canada. On parle donc plus de polygamie auparavant étant donné l’injonction au mariage amené par la religion catholique. Toutefois, il s’agit quand même des racines du polyamour.  

D’ailleurs, si pour plusieurs, les mots polyamour et non-monogamie semblent s’ajouter à une longue liste de termes à la mode, sachez que ces pratiques ont cours depuis longtemps. Dans l’histoire, plusieurs personnes ont pratiqué la non-monogamie. En Mésopotamie, en Égypte ancienne, on retrouve des mariages polygames (surtout polygynes avec un homme qui a plusieurs épouses) et en Grèce antique, on constate, disons, un certain laxisme sur la notion de monogamie qui est prescrite.  

Trois vagues polyamoureuses

La sociologue et autrice Élisabeth Sheff s’est intéressée aux racines du polyamour, spécifiquement aux États-Unis. Elle perçoit trois vagues de relations non monogames à travers l’histoire américaine, soit au 19e siècle avec le mouvement du transcendantalisme; au 20e siècle avec l’émergence des contre-cultures et, finalement, avec l’arrivée de l’Internet. Elle explique que, bien que l’identité polyamoureuse n’existait pas nécessairement au 19e siècle (du moins telle qu’on la connaît aujourd’hui), de nombreuses personnes avaient des configurations amoureuses avec de multiples partenaires. On en retrouve entre autres chez des communautés Quakers, Shakers, mormones, amish, etc.

C’est ensuite via la révolution sexuelle et la culture hippie, basées sur l’amour libre, que de nombreux groupes ont promu les relations non monogames, que ce soit en créant des communes ou des modèles de mariages « alternatifs ». L’expression swingers provient d’ailleurs de cette époque. Quant à l’Internet, il a permis de voir l’émergence de sites et forums dédiés à ces pratiques qui sont demeurées plus marginales, ainsi que de groupes de soutien et d’échange pour les personnes qui pratiquent le polyamour. 

C’est quoi la non-monogamie? 

La non-monogamie regroupe donc toutes les configurations qui ne sont pas monogames. On parle de non-monogamie consensuelle lorsqu’elle est vécue et acceptée par les personnes impliquées et qu’il existe entre elles une entente relationnelle qui implique une ouverture à aller vers d’autres personnes. Inversement, si elle est non consensuelle, c’est qu’elle n’est pas faite dans l’honnêteté et la transparence. On parlera alors d’infidélité. 

Pour ce qui est du polyamour, j’utiliserai la définition que propose Marie-Claude L’Archer, autrice et voix importante de la communauté polyamoureuse montréalaise, sur son blogue Hypatia From Space. Elle explique qu’il s’agit d’« un mode relationnel qui consiste à aimer plus d’une personne à la fois, avec la pleine connaissance et le consentement de chaque personne concernée ». C’est pour cette raison que l’on utilise le terme non-monogamie éthique; tout le monde est au courant et c’est fait avec transparence, honnêteté et dans le respect de chacun.e. 

Polyamour, métamour.e.s et cie  

Plusieurs autres termes se retrouvent sous le grand parapluie du polyamour. Ce sont des variantes de relations polyamoureuses et/ou des mots qui définissent certaines réalités propres aux polyamoureux.ses. 

Par exemple, on peut être polyamoureux.se, mais décider que cela se fait sous une forme hiérarchique. Prenons un couple avec deux personnes déjà ensemble. Appelons-les Akim et Marc. Ils peuvent ouvrir la relation pour que Akim, Marc ou les deux puissent avoir d’autres relations amoureuses en dehors de la leur. Par contre, l’entente relationnelle entre Akim et Marc peut se construire sur le fait qu’ils sont, l’un pour l’autre, les partenaires primaires. Les autres relations seront avec des partenaires secondaires. On parlera alors de polyamour hiérarchique. 

Akim et Marc peuvent aussi décider que les relations vécues à l’extérieur du couple ne se discutent pas entre eux. Ils acceptent la situation sans nécessairement vouloir les détails. On appelle cela le principe du Don’t Ask Don’t Tell ou loi du silence. Et si, au contraire, ils veulent s’accompagner là-dedans et échanger par rapport à leurs autres relations, voire même être en contact avec les autres personnes qu’ils fréquentent, celles-ci seront appelées les métamour.e.s. L’ensemble du groupe sera alors nommé polycule, en référence à la structure d’une molécule. 

Et la fidélité?

Admettons que Marc et Akim ont chacun 2 amoureux ou amireux (des amis avec lesquels ils vivent une intimité physique/sexuelle) et que cela leur convient. De plus, du côté de leurs partenaires, ceux-ci n’ajoutent personne d’autre à leurs relations et l’envie de tous.tes est que cela reste ainsi. On parle alors d’un groupe polysaturé. C’est-à-dire que, pour l’instant, ou de façon permanente s’ils le désirent, le groupe reste tel quel. Il a atteint sa pleine capacité (amoureuse, physique, émotionnelle, sexuelle, etc.).

On utilise aussi le mot polyfidélité pour démontrer que tout ce beau monde demeure fidèle les un.es envers les autres. Et, tout comme un couple monogame, si l’entente relationnelle est brisée, ce sera considéré comme une infidélité. Et comme n’importe quel couple exclusif qui laisse tomber le condom, parce qu’on fait confiance et qu’on a fait nos tests, etc., le polycule peut faire pareil. On appelle cela le fluid bonding ou l’échange de fluides. 

À LIRE ÉGALEMENT : Bisexualité et pansexualité, c’est quoi la différence?

Diverses configurations pour diverses envies…

Il existe aussi les formations en V, c’est-à-dire que Marc peut être en relation avec Akim et avec Olivier, mais rien ne se passe entre Olivier et Akim. Ils sont tout de même liés par le fait d’être tous deux avec Marc. Marc est à la jonction du V et Olivier et Akim sont à chaque extrémité. Et si Akim, Olivier et Marc décident d’entrer en relation à trois, on parlera d’un trouple ou d’une triade. 

Dans le cas de notre auditrice, elle parle de couple ouvert. Il y a donc ici une entente de relation ouverte dans laquelle le couple va aller à la recherche d’une personne pour explorer certaines facettes de leur sexualité. Comme le but est d’avoir des relations intimes sans développer de liens affectifs et/ou amoureux, les adeptes vont souvent dire qu’ils sont à la recherche d’une licorne (pour une femme) ou d’un centaure (pour un homme).

Comme l’explique Marie-Claude L’Archer, plusieurs couples débutants dans le polyamour cherchent un.e partenaire bisexuel.le qui accepte de vivre une expérience sans lendemain. Mais étant donné que peu de gens sont prêts à cela, les termes licornes et centaures ont émergé pour démontrer la quête quasi impossible de trouver cette créature mythique. 

Cependant, comme l’indique la sexologue Catherine Desjardins dans sa formation, la recherche d’une licorne peut être mal perçue dans la communauté. En effet, l’idée derrière le polyamour est de considérer chaque partenaire comme une personne à part entière et non comme un objet sexuel. Cela dit, rien n’empêche une personne de s’autoproclamer licorne/centaure, si elle est à l’aise avec cette appellation et sa signification.

…et sans hiérarchie!

Mais, comme on le voit avec la question de notre auditrice, le fait d’avoir recours à une tierce personne pour « l’utiliser » ne va donc pas dans le sens des valeurs véhiculées au sein de la communauté polyamoureuse. En fait, c’est désolant qu’elle se soit sentie ainsi, d’autant plus qu’elle fait partie d’une minorité sexuelle. Elle l’a certainement perçu comme une utilisation de son statut, de son identité et/ou son orientation sexuelle pour assouvir un fantasme. Conséquemment, ce n’est pas de la non-monogamie éthique. Les balises de la relation n’ont pas été bien établies. 

Ceci dit, il existe des formes de non-monogamie basées sur la rencontre sexuelle qui sont tout aussi légitimes que le polyamour. Par exemple, le libertinage et l’échangisme sont des pratiques qui permettent d’explorer divers aspects de la sexualité, que ce soit dans son couple, comme célibataire au sein d’un couple ou d’autres configurations variées. Ces expérimentations peuvent tout à fait créer de l’empowerment chez les personnes qui les vivent et être partie intégrante de leur cheminement personnel, et ce, tout en ayant à cœur le respect de chacun.e. L’idée, en fait, n’est pas de hiérarchiser les pratiques selon qu’elles soient mieux ou moins bien qu’une autre; chacun.e trouve ce qui lui convient et l’explore à sa façon. 

Mais… pourquoi? 

Il existe des tas de raisons personnelles pour choisir la non-monogamie. Il existe aussi autant de façon de la vivre qu’il y a de gens qui la pratique. Par exemple, on veut sortir de l’injonction à la monogamie. De toute façon, l’histoire nous l’apprend, celle-ci est toujours remise en question. De nombreuses personnes ne se sentent pas à l’aise dans cette formule imposée qui ne convient décidément pas à tous.tes. Ou, encore, on veut peut-être briser le mythe qui nous destine à une seule et unique personne. Quand on y pense, cela tient plus du conte pour enfants que de la réalité. En effet, dans la vraie vie, de nombreuses personnes nous conviennent et répondent à nos besoins. Il est fautif de penser qu’une seule personne réussit à combler toutes nos attentes. Cela se peut, mais c’est rare. 

D’ailleurs, la notion d’anarchie relationnelle, que l’on retrouve dans le lexique des polyamoureux.ses, tient justement compte du fait que toutes les relations (amoureuses, amicales, sexuelles, familiales, etc.) sont équivalentes. Pour celleux qui la pratiquent, il n’existe pas de hiérarchie entre ces différentes relations. Ielles sont simplement conscient.e.s que chacune d’elle apporte un élément différent. 

Authenticité, respect et compersion

Lorsque l’on s’informe sur le polyamour, on comprend rapidement que la notion de respect est au centre de la pratique. C’est-à-dire qu’on prend en considération que l’autre ne nous appartient pas. Et qu’ielle peut avoir des envies et des désirs qui ne nous incluent pas, mais incluent d’autres personnes. On parle aussi beaucoup d’honnêteté et d’amour. C’est-à-dire qu’on est capable d’aimer suffisamment l’autre pour lui faire confiance et bâtir une relation qui perdure. Et ce, tout en acceptant que l’autre a sa propre vie et son propre cheminement à faire. 

Vient aussi rapidement la notion de compersion qui est souvent mise de l’avant dans les écrits sur le polyamour. C’est le fait de ressentir de la joie et du plaisir sincère pour le bonheur de l’autre. Ce n’est pas tous.tes les polyamoureux.ses qui arrivent à atteindre cet état. En effet, cela exige beaucoup émotionnellement. D’autant plus dans une société où la monogamie est de mise. Cela crée une pression énorme à rester dans ce seul modèle. Dès le plus jeune âge, on apprend que les sentiments et désirs pour d’autres personnes que celle aimée, c’est 1) mal, 2) ça crée de la jalousie et 3) ça signifie la fin de la relation. Pourtant, on le voit ; il y a d’autres alternatives. L’important, comme dans tout, c’est d’être à l’écoute, de nommer ses limites et de communiquer. On souhaite à notre auditrice de trouver des gens qui sauront l’apprécier et la respecter dans son entièreté. 

Des références pour s’accompagner

Si vous souhaitez explorer la non-monogamie consensuelle et éthique, voici quelques ressources qui vous aideront à cheminer là-dedans.

Le blogue Hypatia From Space de Marie-Claude L’Archer 

Le livre La salope éthique de Dossie Easton et Janet Hardy

La BD De polyamour et d’eau fraîche de Cookie Kalkair 

Le compte Instagram de Cookie Kalkair

La clinique sexologique Mestra

Polyamory 101: Everything You Need to Know to Get Started

Photo by Dainis Graveris on Unsplash

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