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Est-ce que l’orientation sexuelle peut changer au cours de la vie ? 

Nous avons reçu la question suivante d’un auditeur : 

« L’orientation sexuelle change-t-elle au cours de la vie? Si oui, qu’est-ce qui peut provoquer un tel changement? J’ai à plusieurs reprises entendu parler de gens qui avaient pour ainsi dire « changé d’équipe », tard dans la vie. Est-ce que la personne moyenne est plus fluide qu’il n’y paraît? Ou est-ce que la bisexualité est plus répandue qu’on le pense? Libérés des pressions sociales, aurait-on plus de contrôle sur notre orientation sexuelle qu’on s’y attendrait? »

La question est hyper pertinente dans le contexte actuel.  Les communautés LGBTQ+ font l’objet d’une attention accrue, en particulier sous l’administration Trump. Celle-ci cherche à éliminer toute trace de « gender ideology » (idéologie du genre ou théorie du genre). Cependant, il y a une grande confusion entre genre, identité, sexe et orientation sexuelle. 

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Ainsi, revenons donc à la base : c’est quoi l’orientation sexuelle ? 

COMPRENDRE L’ORIENTATION SEXUELLE

C’est le fait de ressentir ou non une attirance sexuelle et physique pour une personne. Elle diffère de l’orientation romantique, c’est-à-dire du sentiment amoureux que l’on peut éprouver pour une autre personne.

Orientation sexuelle : hétérosexualité, asexualité, demisexualité, bisexualité, pansexualité, etc. 

Orientation romantique : hétéroromantisme, homoromantisme, aromantisme, panromantisme, demiromantisme, etc. 

En réponse à la question de l’auditeur, oui, l’orientation sexuelle peut évoluer au fil des années. Elle est d’ailleurs plus fluide qu’on ne le pense.

UNE FLUIDITÉ DÉMONTRÉE

Un outil ayant important dans la façon de voir la sexualité des êtres humains est l’échelle de Kinsey. Son initiateur, Alfred Kinsey, était un pionnier de la sexologie. Il a développé cet instrument en 1948 dans le but de mieux comprendre les nuances existant en matière d’orientation sexuelle. L’échelle se base sur six critères et inclut même l’asexualité. Il est possible qu’une personne ait une orientation sexuelle dominante hétérosexuelle, mais ait vécu une expérience homosexuelle. Une autre personne peut s’identifier comme bisexuelle. 

En 1948 (étude sur 5300 hommes blancs et cis) et 1953 (étude sur 5940 femmes blanches et cis), les résultats étaient quand même parlants: 

  • 37 % des hommes et 13 % des femmes ont eu au moins une expérience homosexuelle manifeste jusqu’à l’orgasme ;
  • 10 % des hommes étaient plus ou moins exclusivement homosexuels et 8 % l’étaient pendant au moins trois ans entre 16 et 55 ans;
  • Chez les femmes, Kinsey a rapporté une fourchette de 2 à 6 % d’expériences/réactions plus ou moins exclusivement homosexuelles;
  • 4 % des hommes et 1 à 3 % des femmes avaient été exclusivement homosexuels après le début de l’adolescence jusqu’au moment de l’entretien.

Image : Echelle de Kinsey des réponses hétérosexuelles et homosexuelles, comme indiqué dans ‘Sexual Behavior in the Human Female (1953)

Bien sûr, l’outil est maintenant dépassé. Il repose sur des présupposés assez binaires, soit l’hétérosexualité versus l’homosexualité. De plus, il intègre relativement mal les personnes se situant entre ces deux extrêmes ou dans un processus de questionnement. Toutefois, malgré sa rigidité apparente, cette échelle reste un jalon important dans la reconnaissance scientifique de la fluidité sexuelle. Cette réalité nous montre que l’orientation sexuelle n’est pas figée. Elle peut être vécue et ressentie de manière différente d’une personne à l’autre et à différents moments de la vie.

UN LARGE SPECTRE 

Aujourd’hui, notre perception de l’attirance physique et sexuelle est nettement élargie. Cela donne lieu à l’émergence de divers termes tels que : pansexualité, la sapiosexualité, l’autosexualité, entre autres. On voit davantage l’orientation sexuelle comme un vaste spectre. Celui-ci permet à une personne de se promener, sans nécessairement être obligée de choisir une étiquette. Ni faire une sortie du placard ou coming-out

Selon un article du blogue de la faculté de médecine de Harvard, quiconque peut expérimenter des modifications dans son orientation sexuelle. Cependant, ces changements semblent être particulièrement courants chez les jeunes et au sein de la communauté LGBTQ+. Toutefois, on sait que la pandémie a amené de nombreuses personnes à réfléchir autrement leurs sexualités. Dans certains cas, à même embrasser une orientation sexuelle divergente de celle précédemment explorée. On a pu remarquer ce phénomène chez un grand nombre de personnes s’identifiant comme femmes.

En effet, ce n’est pas sans rapport avec le phénomène des femmes qui rejettent l’hétérosexualité pour des raisons politiques. Cela nous amène à nous pencher sur ce qui détermine l’orientation sexuelle. 

DES FACTEURS MULTIPLES

De nombreux débats subsistent quant à l’origine de l’orientation sexuelle, car la question est complexe et délicate. En effet, plusieurs études ont été réalisées afin de comprendre ce qui fait qu’une personne est homosexuelle. Cependant, il est important de noter l’absence d’études équivalentes pour expliquer l’hétérosexualité. On a longtemps cherché le « gène gai » en tentant de trouver une explication dans le domaine de la génétique. Cette théorie n’a pas donné grand-chose. Oui, il existe des variations génétiques susceptibles d’influencer l’orientation sexuelle. « [M]ais leur impact est minime », selon un article de 2019 publié par Québec Science. 

En 2024, La Presse a rapporté qu’une étude américaine avait établi des liens entre la bisexualité et certaines variations génétiques. Tout en soulignant que les facteurs non génétiques demeurent prépondérants dans la détermination de l’orientation sexuelle.

C’est un terrain dangereux, car des idéologies eugénistes persistent et peuvent mener à des conséquences graves. L’idée d’un gène gai l’exemple parfait pour l’instauration de politiques natalistes menant à la discrimination de fœtus porteurs de ce gène, dans le but d’éliminer l’homosexualité. Ça sonne comme « Le meilleur des mondes », mais on n’en est pas loin actuellement…

D’autres théories ont également émergé, comme l’influence des hormones prénatales et les disparités dans la structure cérébrale, par exemple.

Bien que l’origine de l’orientation sexuelle soit encore un mystère, on sait qu’elle ne relève pas d’un choix. On ne peut pas non plus changer une personne hétérosexuelle en homosexuelle, ni l’inverse, par imitation, persuasion ou coercition. Pensons aux thérapies de conversion. Non seulement ne fonctionnent pas, mais sont aussi extrêmement dangereuses et interdites au Canada depuis 2022. 

L’IMPORTANCE DU CONTEXTE

Je reviens à notre auditeur qui demande : Libérés des pressions sociales, aurait-on plus de contrôle sur notre orientation sexuelle ?

Les facteurs sociaux et culturels, ainsi que l’histoire, influencent l’orientation sexuelle. En particulier la manière dont elle est vécue et exprimée, plutôt que son origine. Lorsqu’une personne évolue dans une société où toutes les orientations sexuelles sont acceptées, elle peut s’ouvrir plus facilement sur sa véritable identité. Ou, encore, explorer sa sexualité en dehors des schémas sexuels préétablis, comme dans notre société où l’hétérosexualité est érigée en modèle. Dans un contexte restrictif, il est fort probable qu’elle ait de la difficulté à s’épanouir et à vivre pleinement son orientation sexuelle. Il est pertinent de se questionner sur l’ouverture et la tolérance de son entourage proche, tel que la famille, ainsi que sur l’accueil réservé par son milieu professionnel. De plus, il est important de considérer si les conventions sociales dominantes privilégient la liberté de choix ou imposent des schémas prédéfinis, au risque d’exclusion. Aussi; quel est le contexte politique ? 

Pensons à la situation actuelle aux États-Unis concernant les programmes DEI (Diversité, Équité et Inclusion). Bannis par l’administration Trump, ces mesures dans les milieux de travail servent à éviter les discriminations envers des groupes marginalisés, dont les personnes LGBTQ+. Les compagnies privées peuvent faire l’objet d’enquêtes, si elles ne se plient pas à ce retrait. Ainsi, on fragilise ces populations en faisant croire que l’assurance qu’elles ont des droits égaux fait en sorte qu’on en retire au reste de la population. C’est totalement faux. Par conséquent, une personne dont l’orientation sexuelle n’est pas hétérosexuelle peut hésiter à en parler, voire même la dissimuler dans son milieu professionnel.

UNE FLUIDITÉ RELATIVE

Il demeure que la fluidité sexuelle est bien réelle et qu’on peut changer d’orientation sexuelle au cours de la vie. En sexologie, on tend à considérer les sexualités comme un spectre. C’est-à-dire comme « une gamme continue d’éléments généralement assez étendus qui ont certaines caractéristiques communes ». Pour simplifier, on peut imaginer une ligne qui représente l’étendue des attirances sexuelles et dont les deux extrémités sont des flèches, l’une allant à gauche et l’autre à droite. On peut se situer à l’extrême gauche et ne ressentir d’attirance que pour les hommes, ou à l’extrême droite et ne ressentir d’attirance que pour les femmes. On peut aussi se placer au centre, à gauche mais plus près du centre, etc. La mesure permet d’inclure, si l’on préfère, les termes « attiré par la masculinité » ou « attiré par la féminité », pour ne pas assigner de genre à la personne qui nous attire.

Source:  https://fr.dreamstime.com/spectre-sexualit%C3%A9-aper%C3%A7u-toutes-les-classifications-possibles-sexe-image239091858 

DES RAISONS VARIÉES … ET VALIDES!

Il existe de nombreuses raisons qui peuvent amener une personne à modifier son orientation sexuelle au cours de sa vie. En voici quelques-unes : 

  • L’âge et les étapes de vie : à mesure que les gens vieillissent, ils peuvent se libérer des stéréotypes sociaux et décider de vivre plus librement leurs attirances sexuelles ;
  • S’affranchir des diktats de la société : il existe encore une forte pression pour se conformer à un modèle de vie bien défini (par exemple, un couple hétéro avec ou sans enfants). Il est possible de se libérer de ces stéréotypes pour explorer des configurations relationnelles et sexuelles différentes. C’est d’autant plus crucial de voir des modèles variés dans les médias et ailleurs, ce qui renforce la représentation de la diversité ; 
  • Les expériences personnelles : des changements majeurs ou des événements marquants peuvent nous inciter à réévaluer notre vision de la sexualité et des attirances sexuelles
  • Les rencontres marquantes : il est possible de faire connaissance avec une ou plusieurs personnes pour qui on éprouve une attirance profonde, ce qui amène à s’interroger sur ses désirs; 
  • La découverte de soi : découvrir sa propre identité ne se limite pas à l’adolescence, c’est un processus continu tout au long de la vie. Il est possible de suivre un chemin où l’on s’identifie à une orientation sexuelle particulière pendant une période donnée, avant de découvrir que d’autres options sont disponibles
  • La fluidité : certaines personnes sont ouvertes à explorer différentes orientations sexuelles sans se sentir obligées de s’étiqueter, car elles évoluent en fonction de leurs désirs et de leurs expériences. 

En bref, la fluidité sexuelle est-elle la norme ou l’exception? Il n’y a pas de réponse définitive, mais il est clair que l’expérience humaine est complexe et nuancée, et qu’elle est beaucoup moins binaire que ce que l’on pourrait croire. Pour qu’elle le reste, il faut continuer de s’ouvrir à la diversité et comprendre qu’il s’agit d’une richesse et non d’une menace. 

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