En collaboration avec Simon Rheault-Hébert.
Deux questions d’auditrices sur la périménopause et la ménopause.
Question #1 de Sandrine Bélanger-Monast :
« Je me questionne sur la périménopause et la ménopause précoce. Qu’est-ce qui fait que des femmes sont ménopausées à 40 ans alors que d’autres le sont à 55 ans? Si ma mère a été ménopausée à 41 ans, quel est le pourcentage de chance de l’être moi aussi autour de cet âge? Est-ce qu’il y a des actions concrètes à prendre pour éviter la ménopause précoce? »
Question #2 de Sara Caron:
« Dans les derniers mois, j’ai fait face à 2 épisodes dépressifs. J’ai 42 ans et en discutant avec mon médecin, ces épisodes s’inscrivent fort probablement dans le contexte de la périménopause. J’ai commencé à prendre de la progestérone « bio-identique », car ce serait l’hormone qui a le plus d’effet sur les troubles de l’humeur, dans le contexte hormonal féminin. Mais comment la progestérone influence la santé mentale chez les femmes? »
Des réponses pour mieux comprendre
On a décidé de prendre l’ensemble de ces questions et de faire un tour d’horizon de ce qu’il faut savoir sur la périménopause. Déjà, avec ces interrogations, on constate que plusieurs termes sont utilisés pour aborder ces changements hormonaux. Comment s’y retrouver ?
Périménopause, préménopause ou ménopause ?
- La périménopause (ou préménopause), c’est toute la période qui précède la ménopause. Techniquement le terme « péri » signifie « autour » et non avant, mais il serait plus juste que préménopause. En effet, on estime que c’est une période qui englobe tout ce qui se passe autour de la ménopause, et survient de façon progressive et intégrative, plutôt qu’un avant et un après défini très clairement. Cette période est associée à des symptômes emblématiques dans la culture populaire, comme les bouffées de chaleur, l’insomnie, la fatigue, l’irritabilité, etc. Cette période symptomatique dure généralement entre 5 et 10 ans, avec une moyenne de 7 ans. Selon la Société des gynécologues obstétriciens du Québec, on estime que 25% des femmes auraient des symptômes dans la soixantaine et plus tard. De façon générale, la périménopause arrive plus souvent dans la quarantaine, mais certaines personnes pourront la vivre dès la mi-trentaine et d’autres seulement dans la cinquantaine.
- La ménopause, c’est le moment où l’on arrête d’avoir des menstruations. Après une année complète (12 mois) sans règles, on considère la personne en ménopause. Pour la plupart des gens, ce moment arrive entre 49 et 52 ans, mais cela peut varier du début de la quarantaine jusqu’à la fin de la cinquantaine. Si la ménopause est vécue avant 40 ans, on parlera de ménopause précoce.
Ce qui détermine l’âge de la périménopause et la ménopause
Il y a plusieurs facteurs-clés qui jouent un rôle déterminant dans l’apparition de ces étapes de vie. On peut penser aux :
- Facteurs génétiques : les personnes qui ont des grands-mères et des mères qui ont été ménopausées plus tôt ou plus tard, pourront parfois avoir des parcours similaires;
- Facteurs hormonaux et médicaux : les personnes qui ont une maladie auto-immune, des traitements contre le cancer ou d’autres conditions qui peuvent affecter le cycle hormonal et la santé des ovaires pourraient voir le moment de leur ménopause affecté. On peut aussi penser aux personnes qui subissent une hystérectomie et qui vivront une ménopause avancée;
- Facteurs de risque : la nicotine est considérée comme un élément qui peut influencer la précocité de la ménopause;
- Facteurs environnementaux et socio-économiques : hygiène de vie de la personne, sa situation économique (peut-on subvenir à ses besoins de base? Ça va affecter sa santé), consommation de drogues, stress, etc.
Que faire pour prévenir une ménopause précoce ?
- On peut utiliser la pilule contraceptive combinée (différente de l’hormonothérapie, dans le sens qu’on le voit comme un contraceptif, mais quand même forme d’hormonothérapie)
- Hormonothérapie
- Éviter la nicotine, café, alcool (peuvent exacerber les symptômes)
- Faire de l’exercice physique
- Alimentation saine et équilibrée
Biologiquement, qu’est-ce qui se passe pendant la périménopause ?
- À la base, toute personne ayant des ovaires naît avec environ 1 à 2 millions de follicules (des bébés ovules). Leur quantité diminue tout au long de la vie, car ils se détériorent et sont aussi utilisés pendant le cycle menstruel en plus petite partie (sachez que la grande majorité des follicule ne deviendront jamais des ovules matures). Déjà, au début de la puberté, il en reste environ 300,000.
- Les follicules sont responsables de la production d’oestrogène par les ovaires, car c’est grâce à elle qu’un follicule devient un ovule. En vieillissant, il arrive un moment où le nombre de follicules devient trop bas et la production d’oestrogène est affectée. En réponse à cela, le cerveau envoie de plus grandes quantités d’hormone pour stimuler les follicules (la FSH ou hormone folliculostimulante) et rétablir la production d’oestrogène, comme s’il essayait de relancer la machine. Sauf que ça ne fonctionne pas, car il n’y a pas assez de follicules.
- Cela occasionne des hausses et des baisses d’oestrogène et de hauts niveaux de FSH, ce qui crée les symptômes associés à la ménopause. Les symptômes physiologiques se stabilisent après quelques années (moyenne de 7 ans) alors que le corps devient insensible à la FSH et que les fluctuations d’oestrogènes arrêtent.
À quoi peut-on s’attendre quand toutes ces fluctuations hormonales arrivent ?
Pour de nombreuses personnes, c’est une période qui demande beaucoup d’adaptation. En effet, on peut rencontrer des symptômes importants qui peuvent grandement affecter le quotidien. Les éléments suivants ne sont pas nécessairement présents chez toutes les personnes, mais ils font partie des symptômes fréquemment retrouvés pendant la périménopause :
- Des troubles du sommeil (ex.: insomnie)
- Des bouffées de chaleurs, des sueurs nocturnes
- De la fatigue et de la fébrilité
- Une prise de poids
- Une diminution de la fertilité et, par conséquent, des enjeux face à la procréation
- Une atrophie vaginale (et la possibilité de douleur à la pénétration)
- De la sécheresse vaginale et moins de lubrification
- Une perte de la fermeté de la peau
- La perte de cheveux
- De l’incontinence
- De l’ostéoporose
Et du côté de la santé mentale ?
Avec tout ce qui vient d’être nommé, on ne s’étonnera pas de savoir que cela peut avoir des impacts importants sur le bien-être. Il peut y avoir des effets notables sur la santé mentale, on peut penser à :
- Une plus grande difficulté à se concentrer, des enjeux de mémoire (brain fog)
- Des changements d’humeur et de l’irritabilité
- On parlait plus tôt de changements dans la fermeté de la peau, de prise de poids, de perte de cheveux; cela peut avoir des impacts importants sur la façon dont on vit avec son image corporelle. Cela peut affecter l’estime de soi et la confiance en soi.
- On entend aussi souvent parler de gens qui connaissent une augmentation importante du stress et de l’anxiété. Par contre, c’est important de mentionner que la périménopause et la ménopause s’accompagnent de tout un discours médical et social qui va teinter l’expérience des personnes qui la vivent.
Une vision pathologique
- D’abord, on a une approche pathologique de la ménopause. C’est-à-dire qu’on la traite comme une maladie, alors que c’est un processus normal du vieillissement humain. On en parle avant tout comme d’une panoplie de symptômes à traiter et non d’une étape de vie à normaliser.
- Et, TRÈS IMPORTANT, l’idée n’est pas ici d’invalider le vécu des personnes qui ont des difficultés à bien vivre la ménopause, mais plutôt de critiquer le discours autour de celle-ci.
- Parce que ce discours encourage le fait que le vieillissement est mal vu, car il est constamment dévalorisé face à un idéal de jeunesse.
- De plus, on a souvent une vision négative du corps des femmes qui avancent en âge. C’est encore vu comme quelque chose qui fait peur, à éviter, qui est anormal.
- Pourtant, pour certaines personnes, la ménopause peut être une libération : le stress de tomber enceinte disparaît, on a plus à s’occuper de la charge mentale liée à la contraception et à la gestion des règles, on peut être rendu à une période de sa vie où l’on est plus solide, que ce soit mentalement, financièrement, professionnellement, etc.
- Dans certaines cultures où la ménopause est vue positivement, les femmes rapportent moins de symptômes ressentis.
À LIRE ÉGALEMENT : Pourquoi la ménopause est-elle toujours perçue de façon négative ?
Comment faciliter le passage à cette étape de vie ?
- Normaliser cette étape de vie (La ménopause est une étape normale, qui fait partie du vieillissement. Il faut arrêter de dire aux femmes qu’elles sont brisées et anormales);
- Enrayer l’âgisme associé à cette période (Puisqu’on considère que ça touche les femme âgées, la société y donne moin d’importance, alors qu’il faut s’en préoccuper quand même. Et on peut rappeler que c’est même pas vrai que ça touche uniquement les femmes âgées : pour certaines personnes ayant une périménopause précoce, ça peut commencer à 35 ans)
- Ceci touche le double standard sexiste qui existe en médecine et qui fait en sorte que les problèmes dits « féminins » sont considérés comme moins importants (alors que évidemment ce n’est pas moins important);
- On peut aussi se rappeler que si les femmes vivaient avant jusque dans la cinquantaine, on n’en est plus là et la cinquantaine, c’est maintenant – pour beaucoup de gens – le milieu de la vie! La ménopause n’équivaut pas à la fin de la vie
- Offrir des informations accessibles, adéquates et fiables pour toutes les personnes qui veulent en savoir plus;
- Lever les tabous à propos de ce sujet et accepter d’en parler plus ouvertement et plus librement pour que les personnes qui vivent cela sachent qu’elles ne sont pas seules et qu’il y a des ressources;
- Offrir de l’éducation à la sexualité à TOUS ÂGES, parce que, clairement, on en a besoin à toutes les étapes de la vie
Ressources
Menopause & U (Société des obstétriciens et gynécologues du Québec)