hymen

Virginité : 5 mythes dont il faut se défaire

Une chronique pour Moteur de recherche qui aborde la notion de virginité.

Note: j’utilise les références «homme» et «femme» afin de bien expliquer comment s’est construite la notion de virginité. C’est-à-dire qu’elle est associée aux hommes et aux femmes cisgenres, dans le cadre d’une relation hétérocentrée et hétéronormative. 

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Le sujet sur toutes les lèvres

Il y a deux semaines, le magazine Marie Claire a fait paraître un grand dossier sur la virginité, écrit en collaboration avec The Fuller Project. C’est une plateforme de journalisme qui s’intéresse aux enjeux rencontrés par les femmes à travers le mode. Parce que oui, la virginité a encore une importance en 2019 et beaucoup plus qu’on ne pourrait le croire. La preuve, on a eu droit aux propos du rappeur américain TI qui, dans le balado Ladies Like Us a avoué que, chaque année, il amène sa fille – qui a maintenant 18 ans – chez le.la gynécologue pour faire… un test de virginité. 

Mais pourquoi faire un test de virginité à sa fille, me direz-vous? Eh bien, c’est qu’il y a encore des croyances bien ancrées à propos du fameux hymen. L’hymen, c’est un «repli de muqueuses» qui se positionne à l’entrée du vagin, comme une barrière de protection. Pendant longtemps, la déchirure de l’hymen était la preuve qu’une femme était vierge. Donc qu’elle n’avait jamais eu de relations sexuelles. En somme, elle était pure. Ainsi, son mari, par exemple, sait donc qu’elle n’a pas connu d’autres partenaires masculins et est rassuré sur sa possible descendance. Associé directement à la notion de mariage, le mot hymen – du dieu Hyménée ou Hymen – signifie d’ailleurs chant nuptial.

La virginité: une pureté moyen-âgeuse

La virginité comme valeur de pureté nous vient, entre autres, de la mythologie grecque, mais aussi de croyances moyen-âgeuses. Selon Yvonne Knibiehler, autrice de La virginité féminine. Mythes, fantasmes, émancipation (Éditions Odile Jacob, 2012), le Moyen-Âge est «l’apogée de la virginité». C’est une période pendant laquelle on estime que la virginité est une vertu morale et physique. Morale, car cela dénote une force de caractère de ne pas céder au plaisir trivial du sexe. Et physique, parce que le corps demeure intouché, donc intact et probablement plus propice à se rapprocher du divin. Pensons au vœu de chasteté. 

Par contre, ce que ça démontre avant tout, c’est:

  • Une profonde méconnaissance de l’anatomie féminine;
  • Une conception du sexe féminin comme inférieur au sexe masculin (le pénétrant qui va «autoriser», en quelque sorte, la vie sexuelle);
  • Une vision objectifiante de la femme qui devient comme un trophée, un objet dont on prend possession; 
  • Du slutshaming, traduit dans les recherches en sexologie au Québec par «stigmate de pute». On considère que la femme qui a une sexualité est «salie», de moindre valeur; 
  • Mettre l’emphase sur une sexualité hétérocentrée et pénétrative comme modèle à suivre.

La virginité, c’est avant tout de nombreux mythes dont il faut se défaire à tout prix. Je vous en propose quelques-uns: 

Mythe #1: on peut savoir quand une personne perd sa virginité

FAUX! 

Il n’existe aucun test valable, tant du côté du sexe féminin que masculin, pour indiquer la perte de la virginité. Soit le moment de la première pénétration, car c’est à cela qu’on fait référence. Et ce, tant comme pénétrant.e que pénétré.e. L’OMS (Organisation mondiale de la santé) condamne d’ailleurs les tests de virginité, car ils sont «humiliants et traumatisants». Ce qu’on appelle les tests de virginité, c’est la vérification des organes génitaux internes et l’état de l’hymen. C’est même considéré comme une forme d’agression sexuelle médicalisée. Aussi, comment savoir quand un homme a perdu sa virginité? Une femme lesbienne? Le concept de virginité fait fi des autres orientations sexuelles et repose vraiment sur les seules épaules des femmes hétérosexuelles. 

Mythe #2: l’hymen se déchire lors de la pénétration 

FAUX! 

Premièrement, certaines personnes naissent sans hymen. Deuxièmement, les muqueuses qui le forment peuvent se replier pour laisser passer pénis, un ou des doigts, un objet sexuel, etc. Aussi, l’hymen est de forme très variable: petits trous, carrément ouvert, absent ou, encore, complètement fermé. Il n’a pas de forme précise; chaque personne a son anatomie propre. 

À LIRE ÉGALEMENT: Peut-on avoir une sexualité en-dehors de la pénétration?

Mythe #3: l’hymen saigne systématiquement lors de la première pénétration

FAUX! 

Il y a de fortes chances que l’hymen ne soit même plus en place au moment de la pénétration. Conçu de muqueuses quand même délicates, l’hymen peut subir de petites lésions lors d’une pénétration. Mais il en va de même avec les parois du vagin. Conséquemment, le fameux sang qui coule sur le drap blanc comme indicateur de perte de virginité = nope! De plus,l’hymen risque d’être disparu pendant l’enfance. Ça peut être en faisant du sport, de la bicyclette, en grimpant sur des modules de jeu, en tombant, etc. L’hymen, en fait, n’a AUCUN rapport avec la sexualité.

D’après Jennifer Gunther, gynécologue-obstétricienne et autrice du livre The Vagina Bible (Random House Canada, 2019), l’hymen existe avant tout pour permettre aux bébés de sexe féminin d’éviter le contact direct avec des bactéries, infections et les selles. Et il n’est pas conçu pour durer toute la vie. 

Mythe #4 : on dit «perdre sa virginité», c’est donc que quelque chose nous est enlevé?

FAUX!

Encore là, pas du tout. On ne perd rien, mis à part son temps si c’était vraiment plate! #poudoumtchi Cette idée de perte vient encore une fois de croyances dépassées qui pèsent particulièrement sur les épaules des jeunes filles. Cela les convainc que, si elles vivent une sexualité avant d’avoir trouvé «la bonne personne», elles subiront une perte de leur valeur intrinsèque, . Mais, étrangement, cette conception de perte n’existe pas chez les hommes. Pourquoi donc? Eh bien, parce que l’homme – comme le dit bien Mélodie Nelson dans un article chez Urbania – il a le rôle du conquérant. En effet, la femme est le territoire à occuper et elle devient donc sa chose, sa propriété. 

Mythe #5: la première fois est vraiment «spéciale»

FAUX!

Ce qui contribue à l’importance démesurée de la fameuse virginité, c’est l’idée que la première fois – entendre la première relation sexuelle pénétrative – est spéciale, voire cruciale. Elle n’est effectivement pas anodine, mais de là à tout miser sur cette première expérience, il y a une marge. Mettre autant d’emphase sur la première fois, ça crée des attentes difficiles à combler, Ça ne peut, pratiquement, qu’être décevant. Rappelons-nous qu’il y aura plusieurs premières fois: premier baiser, première caresse, première masturbation, première expérience de sexe oral, première fois avec chaque nouveau ou nouvelle partenaire, etc.

Cette conception d’une expérience transcendante est doublement grave, car 1) on enlève l’agentivité* de la personne de sexe féminin en la remettant entre les mains de la personne de sexe masculin et 2) on met la barre si haut pour la première relation sexuelle qu’on fait en sorte que la sexualité est automatiquement perçue comme une performance et, en plus, que ce qui viendra après, c’est un mystère opaque dont on ne doit pas vraiment se préoccuper. Alors qu’au contraire, ça devrait être montré comme le début d’un apprentissage, d’une exploration continue sur soi, sur son intimité, sur son désir et ses envies. Pas comme une mécanique, une répétition ad nauseam d’une méthode. La sexualité, ça évolue toute la vie. 

Un message à passer (et à marteler)

Si je peux passer un message au rappeur TI (et à toute personne qui voudrait faire vivre cela à son enfant), c’est bien ceci: faire un test de virginité ne sert non seulement à rien, c’est aussi excessivement intrusif. Cela fait perdurer une vieille tradition instaurée dans un système patriarcal qui met sur les épaules des jeunes filles une pression indue à se conformer à une norme irréaliste et pas du tout adaptée à notre vision actuelle de la sexualité qui se veut plus positive, ouverte et inclusive.

C’est exercer un contrôle sur le corps et la sexualité de sa fille et, en partageant cette information publiquement, c’est exposer son intimité et, carrément, une violation de sa vie privée. C’est aussi lui passer le message que la sexualité est sale et lui enlève de la valeur comme personne. Et ça, c’est grave et vraiment très triste. 

*Agentivité sexuelle: capacité à se définir comme être sexué, à prendre en charge sa propre sexualité

Image from page 347 of « The diagnosis of diseases of women » (1905)

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