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Herpès : pourquoi n’y a-t-il pas de traitement permanent?

En clinique, lorsqu’une personne me fait part de son diagnostic d’herpès, les mots qui suivent cette information sont souvent de nature péjorative. Découragement, déprime, gêne, honte, tristesse; c’est le lot de plusieurs personnes qui vivent avec le virus. Il n’est pas rare d’entendre des gens dire que c’est un peu l’équivalent d’avoir signé l’arrêt de mort de leur vie sexuelle. Cela vient du fait qu’il existe encore beaucoup de tabous et de jugements négatifs autour de l’herpès. La question de notre auditrice me permet ici de faire la lumière sur ce virus qui, encore de nos jours, fait peur et pour qui il n’existe toujours pas de traitement pour l’éradiquer. 

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C’est quoi l’herpès?

Premièrement, l’herpès est une famille de virus dont huit différents types peuvent affecter l’être humain. Parmi ceux-ci, ces noms sonnent probablement une cloche : varicelle, mononucléose, zona. Si vous avez eu l’une ou l’autre de ces affections, vous avez été infecté.e.s par un virus de l’herpès. Dans le cas de notre auditrice, on parle plus spécifiquement du virus herpès simplex qui se présente sous forme d’herpès buccal ou d’herpès génital.

Le premier, aussi appelé de type 1 (VHS-1), apparaît plutôt sur la bouche. C’est le fameux « feu sauvage ». Cependant, il peut se retrouver sur les organes génitaux si l’on pratique le sexe oral pendant qu’on a une éruption cutanée sur la bouche. Le type 2 (VHS-2) est celui que l’on voit sur les organes génitaux et qui, rarement, se transmet à la bouche. Dans un cas comme dans l’autre, le virus peut se contracter lors d’une relation sexuelle (pénétration buccale, orale, vaginale, etc.) et par contact peau à peau. 

Ça fait quoi, au juste?

L’herpès se manifeste sous la forme de cloques qui peuvent créer des lésions douloureuses lorsqu’elles éclatent. Ces petits ulcères vont souvent se retrouver dans la région génitale externe (vulve, contour de l’anus, pénis, cuisses, fesses) et interne (col de l’utérus). Les ganglions au niveau de l’aine peuvent aussi enfler. Comme l’explique Santé Québec, l’herpès fonctionne par poussées. Par exemple, on peut avoir une apparition de symptômes lors de la contraction du virus ainsi que d’autres poussées du genre à travers sa vie. Par contre, si certaines personnes ont une montée immédiate d’éléments signifiant que le virus est installé, d’autres n’en auront aucune ou très peu fréquemment dans leur existence. Il faut dire que les éruptions cutanées peuvent être confondues avec autre chose : coupure de rasoir, réaction allergique, etc. 

Chez de nombreuses personnes, le virus est présent sans trop d’implications, simplement latent ou, encore, asymptomatique. Mais une chose est certaine: des TAS de gens ont l’herpès, qu’ils le sachent ou non. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), on estime que 3.7 milliards d’individus ont l’herpès de type 1 (VHS-1), sous forme orale ou génitale. 

Il y a un traitement pour l’herpès? 

Pas de façon définitive, non. Selon Santé Québec, le traitement actuel pour l’herpès sert à trois choses : 1) soulager les symptômes; 2) réduire la fréquence et la durée des poussées d’herpès et, 3) diminuer le risque de transmission. On parle ici de prise d’antiviraux comme l’acyclovir, le famciclovir (Famvir) et le valacyclovir (Valtrex). Même si, selon une récente étude publiée dans Science Advances, les souches modernes du virus ont émergé à l’âge de bronze, il n’existe toujours pas de traitement qui permet de se débarrasser complètement de l’herpès. 

L’enjeu principal est que le virus peut se dissimuler dans les cellules nerveuses du corps. Et cela pendant un très long moment, sans se manifester. Une grande majorité de gens n’auront pas du tout de symptômes et vont transmettre le virus sans même le savoir. Comme l’explique le site GoodRx, pour créer un vaccin, on utilise les réactions du système immunitaire face à la menace. Mais si la menace en question se cache dans les cellules nerveuses et qu’il n’y a pas de réactions, il n’est pas possible d’apprendre au système à réagir et protéger, puisqu’il ne se passe… rien.

Un mécanisme pas si simple à décortiquer

Selon Medical News Today, même si la partie active du virus se détecte et est éradiquée par un potentiel vaccin, il suffit qu’une infime partie de l’infection demeure camouflée dans les cellules nerveuses pour que cela continue à avoir un effet sur le corps. En somme, on doit d’abord mieux comprendre le mécanisme qui permet au virus de se loger bien confortablement dans le corps pour savoir comment l’en déloger. C’est de cette façon que l’on pourra trouver un traitement qui permettra enfin de virer l’herpès de nos corps.

Et même si l’on teste à gogo pour s’assurer que les gens ne l’ont pas et/ou ne le transmettent pas, cela ne sert pas à grand-chose. On l’aura compris; on doit être symptomatique pour avoir un diagnostic. Par exemple, le ou la médecin doit pouvoir passer un écouvillon sur les lésions pour pouvoir analyser leur contenu. Sans cela, les tests risquent d’être de faux négatifs. 

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Un remède difficile à trouver  

Si l’on en croit Ina Park, autrice de Strange Bedfellows: Adventures in the Science, History and Surprising Secrets of STD’s (Flatiron Books, 2022), l’herpès serait apparu pour la première fois dans les écrits médicaux vers 1736. Cela fait donc un bon petit moment que le virus se promène sous le nez de scientifiques aguerri.e.s. Pourtant, il n’existe toujours pas de traitement pour l’herpès. Pourquoi donc? 

Dans un récent article du New York Times, la journaliste Dani Blum discute du sujet avec plusieurs scientifiques. On évoque, entre autres, le fait que les symptômes sont relativement minimes chez la plupart des gens. Conséquemment, on sent probablement moins l’urgence d’intervenir. On indique aussi que plusieurs professionnel.le.s de la santé sont réticent.e.s à discuter de santé sexuelle. Et, on y revient, le vaccin est vraiment complexe à élaborer. Il y a eu des essais, bien sûr. Mais, pour l’instant, rien qui fait en sorte que le système immunitaire réagisse suffisamment pour contrôler ou prévenir le virus. 

Selon la Dr. Anna Wald, virologue clinique et professeure à l’école de médecine de l’Université de Washington, l’herpès est associé à un coût psychologique. D’après elle, cela rend les médecins peu enclin.e.s à s’y intéresser. En effet, les personnes qui contractent le virus ont l’impression d’être condamnées à une vie sexuelle miséreuse, voire inexistante. Cela est dû au fait qu’on associe encore volontiers l’herpès à quelque chose de sale et de honteux. Pas étonnant que cela crée une détresse importante chez les personnes infectées. Même si, petit rappel, il y a 3.7 milliards (milliards, oui oui!) d’humain.e.s. à l’avoir. Il y a donc tout un travail de déstigmatisation à faire autour de ce virus. 

Une panique morale?

Une question demeure: pourquoi l’herpès est devenu ce virus si mal aimé et honni par tant de gens? Le magazine Slate.com nous invite à revenir en 1980 pour mieux comprendre le phénomène. Cette année-là, l’influent Time Magazine lance un de ces numéros avec, pour titre, “Herpes : The New Sexual Leprosy” (traduction libre : Herpès : la nouvelle lèpre sexuelle). Avec, comme sous-titre, “Viruses of love’ infect millions with disease and despair.” (Traduction libre : Les virus de l’amour infectent des millions de personnes avec la maladie et le désespoir). Joyeux, n’est-ce pas?

Deux ans plus tard, le magazine récidive avec une couverture choc titrée « Herpès » en rouge sang, suivi de “Today’s Scarlett Letter». Pour celles et ceux qui ne savent pas : la référence vient d’un roman de Nathaniel Hawthorne dans lequel son personnage principal doit porter la lettre A, pour adultery, sur sa robe en signe d’humiliation publique. Bref, le message qu’on passe? L’herpès, c’est la honte. En plus, il n’y a pas de traitement!

Même si plusieurs autres médias auront des discours plus nuancés sur le sujet, nombre d’entre eux iront à coup de termes comme « épidémie » et de titres provocateurs comme : “Lovesick: The Terrible Curse of Herpes.” (« La maladie de l’amour : le terrible fléau de l’herpès », Rolling Stone, 1982). Sans compter les informations-choc pour ébranler le lectorat. Selon Slate.com, la télévision n’a pas été en reste non plus et on a senti dans l’air un véritable vent de panique autour de ce virus, particulièrement dans les années 70 et 80, alors qu’il n’existait pas encore de remèdes pour diminuer ses effets. 

En phase vers un traitement pour l’herpès? 

Eh bien, même s’il n’existe pas encore de solution miracle pour s’en débarrasser, il demeure que l’herpès subit encore les affres de ces montées de panique et est probablement l’ITSS la plus mal perçue aux yeux du public. D’ailleurs, en 2019 dans son émission Corde sensible, la journaliste Marie-Ève Tremblay accordait la parole à une personne vivant avec l’herpès. Dans l’entrevue, la personne explique à quel point le tabou entourant le virus est prégnant et lourd à porter. Quatre ans plus tard, où en est-on?

Selon le site de l’organisme montréalais Info-Herpès, « on observe que le stigma est souvent plus difficile à vivre que le virus en lui-même ». On ajoute qu’il n’y a pas de campagne de sensibilisation ni de conversation publique à ce sujet, ce qui contribue à laisser les personnes affectées par le virus dans le silence et la honte. Ce qui est absurde, quand on sait qu’une très grande partie de la population mondiale vit avec l’herpès au quotidien. 

Comme je le dis souvent aux personnes qui me consultent; il n’y a aucune gêne à avoir ce virus. C’est commun, ça n’a rien à voir avec le manque d’hygiène, ça se gère bien, il y a des traitements efficaces même si non permanents et, surtout, ça ne devrait pas être une raison pour s’auto-infliger l’abstinence à jamais. Il est possible de vivre une vie sexuelle saine et épanouie avec l’herpès. Il faut juste qu’on en parle ouvertement, sans jugement et qu’on se rappelle que ce n’est pas une tare ni une défectuosité; c’est un simple virus. Plus on en discutera, plus la honte va disparaître et laisser la place à des échanges fructueux et aidants sur le sujet. Et à un traitement qui pourra finir par venir à bout de l’herpès.

Pour s’informer sur le sujet

Info-Herpès

La chaîne YouTube de Nellie Maude qui démystifie l’herpès

Une entrevue de Nellie Maude avec Cam Grande Brune

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