clitoris

Est-ce vrai que le clitoris est le seul organe dédié au plaisir?

Cet organe encore méconnu a beaucoup fait jaser récemment. D’abord, en France. En effet, les Jeux olympiques de Paris 2024 ont lancé en grande pompe leurs mascottes. Celles-ci rappellent les petits bonnets phrygiens portés pendant la Révolution française. Mais, rapidement, le public y a vu autre chose; de mignons petits clitoris souriants! Cela dit, pendant qu’on rigole sur ces mascottes, la science fait des avancées fascinantes. Et c’est la seconde raison pour laquelle le clitoris a fait les manchettes.

Jusqu’à maintenant, on a toujours entendu dire que cet organe comprend environ 8000 terminaisons nerveuses. On sait maintenant que ces chiffres proviennent d’études réalisées sur… des vaches. Mais une étude récente de l’Oregon Health & Science University démontre qu’on aurait tout faux. Cette partie de l’anatomie contient en fait plus de 10 000 terminaisons nerveuses. Le jeune médecin derrière la découverte est Dr Blair Peters, spécialiste en phalloplastie pour les personnes trans et non-binaires. Sa recherche montre que, même si on parle ouvertement qu’avant du clitoris, cette partie de l’anatomie demeure mystérieuse. Et, vraisemblablement, pleine de promesses. 

Écouter la chronique audio.

Un corps érogène

Si l’on revient à la question de notre auditrice, on peut répondre que le corps entier peut être érogène. On associe souvent les zones d’érotisation aux organes génitaux, aux seins, aux fesses, à l’aine. Par contre, il est possible de stimuler tout un tas d’autres zones. Selon les résultats d’une étude réalisée en 2016,  intitulée La typographie des zones érogènes humaines (traduction libre), il semble même que « la peau entière sert d’organe sexuel somatosensoriel ». Donc, le clitoris ne serait pas le seul à offrir 1001 (ou plutôt 10 001!) possibilités orgasmiques. 

Cependant, la peau comprend aussi un tas de fonctions (ex.: protéger les organes, réguler la température). Tandis que le clitoris – du moins de ce qu’on en sait jusqu’à maintenant – a pour seule mission le plaisir. Ou pas. En effet, certaines hypothèses existent à son sujet. Celles-ci permettent de mieux comprendre comment et pourquoi cet élément se trouve toujours dans le corps des personnes de sexe féminin.

Une fonction reproductive

En 2019, une étude de Roy J. Levine, intitulée Le clitoris – Une évaluation de sa fonction reproductive pendant les années fertiles : pourquoi était-il, et est-il toujours négligé dans les récits sur l’excitation sexuelle féminine, amène un nouveau regard sur ce fameux organe. Sa recherche met en lumière le fait que la stimulation du clitoris active le cerveau et l’amène à « induire des modifications du tractus génital féminin, […] l’amélioration du flux sanguin vaginal […], le transsudat vaginal (lubrification) facilitant la pénétration pénienne indolore [et] les ballonnements retardant le transport des spermatozoïdes […]. » En somme, le clitoris servirait aussi à la reproduction. 

Fait intéressant, le même chercheur publie, deux ans plus tard, un papier qui fait état du peu d’intérêt que les médias ont porté aux résultats de l’étude. Ceux-ci ont seulement retenu la fonction dite « récréative » du clitoris, soit le plaisir et ont mis de côté l’aspect reproductif. Évidemment, le récit d’un organe entièrement dédié au plaisir est plus excitant que de retomber dans les questions reproductives. Il demeure tout de même que ces informations sont importantes. 

Un effacement progressif

Ceci ressemble beaucoup à ce qui s’est passé avec le clitoris à travers les âges. Cet organe a été découvert, oublié, redécouvert et ainsi de suite. Pourtant, on sait depuis l’Antiquité qu’il existe. Déjà, même à l’époque, on expliquait que sa stimulation était importante dans la masturbation. Ce sont, entre autres, les théories de Galien, médecin grec de l’Antiquité et fervent adepte de la saignée, qui effaceront les traces du clitoris des écrits médicaux, car, selon lui, la femme est, de toute façon, un être inférieur et incomplet.   

La désinformation à propos du sexe dit féminin contribuera fortement aux disparitions ponctuelles du clitoris dans les sources scientifiques. Cela a des impacts encore retentissants. Par exemple, ce n’est que tout récemment que l’on a pris conscience que les livres d’anatomie ne contenaient, pour la plupart, pas de représentation complète du clitoris. Quand on le montre, ce souvent un petit point minuscule qui passe inaperçu. Pourtant, on sait très bien que cet organe peut faire de 9 à 11 centimètres, qu’il se prolonge à l’intérieur du corps et que la stimulation de ses piliers peut exacerber les sensations ressenties dans le vagin lors d’une pénétration. 

À LIRE ÉGALEMENT : Pourquoi connait-on encore si mal le sexe féminin?

Vaginale VS clitoridienne

Ainsi, la division vaginale versus clitoridienne qui perdure n’a pas vraiment lieu d’être; le clitoris est majoritairement responsable de l’orgasme ressenti. Même si la stimulation s’effectue dans le vagin (par pénétration, par exemple), ce sont les parties les plus longues de l’organe (les piliers ou crura) qui créeront les sensations orgasmiques et pourront donner un orgasme vaginal… via le clitoris. 

De toute façon, ce clivage crée aussi beaucoup de stress chez les personnes avec un vagin. En effet, cela fait en sorte qu’elles doivent se plier à cette division fort aléatoire et peu claire qui, en somme, ne fait que créer une hiérarchie des plaisirs. Le résultat étant souvent qu’on classe les « vaginales » parmi celles qui aiment la pénétration et devraient jouir ainsi et les « clitoridiennes » comme plus « complexes » à satisfaire. Ce qui est problématique et, de plus, complètement erroné. 

Un organe (encore) mal aimé

Si le public français dont on parlait plus tôt a réussi à voir un clitoris dans les mascottes des Jeux olympiques de Paris, c’est qu’il y a de l’espoir que l’on connaisse mieux cette partie de l’anatomie, n’est-ce pas? Eh bien, pas tout à fait. Dans un article paru dans le New York Times en octobre dernier, écrit par Rachel E. Gross, autrice de Vagina Obscura: An Anatomical Voyage (WN Norton, 2022), de nombreux.ses expert.e.s. en médecine affirment que le clitoris est très peu étudié. 

Selon ces expert.e.s, il est souvent mis de côté lors d’examens médicaux, ce qui peut mener à des « négligences face aux problèmes de santé sexuelle ». L’autrice ajoute aussi que, lors de certaines chirurgies plastiques, comme la labiaplastie, si cette zone n’est pas traitée adéquatement, il est possible d’endommager les nerfs. Cela peut mener à une perte de sensations et des douleurs génitales importantes. 

On mentionne aussi le jeune médecin qui a découvert l’existence des 10 000+ terminaisons nerveuses du clitoris. Pour sa part, il rapporte que ses études en médecine lui ont appris que le clitoris existe et… c’est à peu près tout. Il dit avoir été extrêmement surpris de l’ampleur de la structure interne de cet organe. Le potentiel face à ces nouvelles informations est énorme : améliorer les sensations chez les personnes qui auront des chirurgies d’affirmation de genre et augmenter les possibilités du côté des chirurgies réparatrices chez les personnes qui ont subi des lésions dans cette zone. 

Démystifier le clitoris

En somme, oui le clitoris sert au plaisir sexuel, mais également à la reproduction. Mais, surtout, il mérite une meilleure place, tant au sein de la sexualité, de la médecine que dans les conversations sur le plaisir et le bien-être global. Le plaisir féminin a longtemps été mis de côté et garder une aura de mystère autour de cet organe n’aide rien ni personne. Alors, démystifions le clitoris! 


Pour ce faire, je recommande l’écoute du chouette film d’animation Le clitoris de Lori Malépart-Traversy. Cette dernière a aussi fait la préface du livre Le clitoris: la vérité mise à nu (Edito, 2018). Elle signe aussi la réalisation d’une série de cinq courts métrages d’animation sur la masturbation féminine, intitulée Caresses magiques. On peut la voir sur le site de l’ONF.

Image de une :

Marie Docher – http://carrefour-numerique.cite-sciences.fr/fablab/wiki/doku.php?id=projets:clitoris

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *