Une chronique pour Moteur de recherche dans laquelle je discute poils et sexualité.
Vous connaissez l’adage: en avril, ne te découvre pas d’un fil, mais en mai… Fais ce qu’il te plaît! Comme, pourquoi pas, laisser pousser son poil. Quelle est la raison pour laquelle je vous propose de lâcher lousse votre pilosité? C’est que nous sommes en mai pour quelques jours encore. Pendant ce mois, on célèbre non seulement le #DéfiMaiSansTondeuse, mais c’est également #MaiPoils. Il faut croire que tout est dans tout!
Bref, #MaiPoils invite les gens à lâcher prise sur le rasage. On propose d’embrasser le poil libre: sur les aisselles, les jambes, le visage, les organes génitaux, alouette. L’idée est de sortir de l’injonction à avoir des corps glabres et lisses; les poils sont naturels et peuvent même être utiles dans notre sexualité! J’offre un petit survol des aspects pratico-pratiques de la pilosité, tout en apportant des nuances sur le rasage qui a aussi ses bénéfices.
Maturité sexuelle et phéromones
D’abord, le poil est le signe qu’une personne a atteint une certaine maturité sexuelle. C’est-à-dire qu’elle vit ou qu’elle a passé sa puberté. C’est un indicateur biologique que la personne est, en quelque sorte, « disponible » pour procréer. Par contre, dans la culture occidentale, le rasage est désormais associé à une activation de la vie sexuelle. Les jeunes personnes ont tendance à initier la pratique lorsqu’elles entament leurs premières expériences sexuelles.
Évidemment, il y a aussi des cas de pubertés précoces. Chez les personnes de sexe féminin dont c’est le cas, il y a un plus grand risque d’avoir des relations sexuelles plus tôt. Effectivement, la jeune personne n’est peut-être pas prête à vivre cela. Mais, vu son apparence, elle peut être perçue comme l’étant et/ou se donnera la pression de l’être. C’est que ces jeunes ont tendance à s’entourer de gens plus âgés. Ceux-ci sont rendus à une autre étape, sexuellement parlant. Comme la pression sociale est forte, ça peut jouer sur le passage à l’acte.
De nombreux médias disent aussi que le poil peut retenir les phéromones et jouer un rôle dans l’attraction sexuelle. Mais il faut faire attention, car oui il y a des preuves qu’elles existent chez l’humain. Par contre, il reste encore des études approfondies à faire pour confirmer leur impact réel sur nos choix sexuels. Cela dit, il demeure que l’odorat joue un rôle important dans l’attractivité. Par exemple, il nous permet d’obtenir de l’information sur la personne pour laquelle on ressent une attirance; comme son âge et son sexe.
Stimuler les sens
Les poils absorbent des odeurs corporelles (sueur, urine, glaire, sperme, etc.) qui peuvent être enivrantes et excitantes pour certaines personnes. Selon une étude réalisée en 2018 et publiée dans Archives of Sexual Behavior, on a constaté que – et je reprends ici les termes « hommes et femmes » utilisés dans ces écrits – les résultats supportent l’hypothèse selon laquelle les hommes seraient sensibles à des signaux olfactifs générés par des femmes lorsqu’elles sont excitées sexuellement.
Si, dans ce cas, la pilosité n’est pas ciblée directement, elle peut tout de même contribuer à la rétention de ces fragrances excitantes. C’est que la sexualité a une odeur: celles des muqueuses, celles de la sueur, de la salive, etc. S’il y a présence de poils (pubiens, aisselles, etc.), il a de fortes chances qu’il s’imbibe de ces divers effluves et augmente le parfum ambiant. De plus, l’odorat est fortement associé aux émotions, aux souvenirs. Pas pour rien qu’on respire les vêtements d’une personne aimée, que son parfum nous enivre. Et, face à un.e inconnu.e, l’odorat peut nous guider. Il nous indique, si son odeur nous plaît, qu’on est prêt.e à avoir une relation intime avec cette personne. Ou, au contraire, si elle nous répugne, il nous signale qu’un rapprochement sera difficile.
Côté sensations toujours, il faut se rappeler que notre toison augmente notre sensibilité tactile. Cela peut être un élément érogène important. Pensons aux caresses sur la peau, à la respiration et au souffle sur le duvet. Tirer délicatement sur le poil et jouer avec peut créer des sensations. Il y a aussi l’utilisation d’objets avec lesquels on caresse le corps; la pilosité peut augmenter le plaisir. Ce sont différents moyens de s’exciter et créer une tension qui rend la relation intime très sensuelle.
Friction et chaleur humaine
Lorsque deux corps (ou plus, tout dépend de votre configuration amoureuse/sexuelle!) sont dans une relation intime, ils se frottent l’un contre l’autre. Cela crée une friction et la peau dans cette région est plus sensible. Le poil réduit ce frottement qui, avec la sueur et les fluides corporels, peut créer irritations, rougeurs et agrandir les microlésions.
Les poils servent aussi à réguler la température du corps. On appelle ce processus la thermorégulation et c’est une façon de se protéger d’avoir trop chaud ou trop froid. Comme le pénis et la vulve ont besoin d’un afflux sanguin pour se gonfler et réagir à la stimulation sexuelle, une vasodilatation est nécessaire. Si le corps est trop froid, on pourrait plutôt ressentir une vasoconstriction. Bon; de là à dire que le poil pubien, par exemple, pourrait réchauffer le corps entier; on n’en est pas là. Mais il demeure que notre pilosité sert aussi à rééquilibrer ces sensations (froid/chaud) qui ont chacune leur utilité dans la fonction sexuelle.
Contrôler les ITSS ?
Depuis un bon moment déjà, la tendance est au rasage du poil pubien. Peu importe son sexe ou son genre, bien des gens ont emboîté le pas et prônent le rasage intégral de la région génitale, incluant aussi la zone située près de l’anus.
Un élément amélioré par cette pratique est le problème des poux de pubis, plus communément appelés morpions. Bien que ça ne garantit pas automatiquement une résolution du problème (ex.: la personne affectée ne contrôle pas son environnement immédiat et continue les contacts avec des partenaires porteurs), il semble que, à travers l’histoire, le fait de se raser les poils pubiens a grandement contribué à éradiquer ces petites bestioles.
Conserver son poil a souvent été associé avec l’idée qu’on pouvait ainsi augmenter la protection contre les ITSS. Les études sont partagées à ce sujet. En fait, retirer le poil n’est pas nécessairement un problème en soi; c’est plutôt le fait d’avoir recours à certaines formes d’épilation qui peuvent affecter la peau dans cette région. Par exemple, des méthodes comme le rasoir et l’épilation à la cire peuvent augmenter le risque de créer des coupures, des boutons, des poils incarnés et des microlésions. Ces différents éléments amènent un risque accru de transmission des ITSS.
Une étude américaine réalisée en 2018 sur près de 8000 répondant.es affirme que le rasage est positivement associé à des antécédents d’ITSS autorapportée. Une autre étude récente (2020) sur environ 300 personnes, a trouvé que les participant.es qui ont effectué un rasage intégral plus de 6 fois dans la dernière année présentaient une prévalence plus élevée d’ITSS. Cependant, cette même étude spécifie aussi que, de son côté, il n’y avait pas de lien entre rasages récents et ITSS. C’est-à-dire que, même si les répondantes et répondants qui se rasaient ont eu des ITSS par le passé, ce n’est pas nécessairement le cas actuellement. Et on ne peut conclure que la cause correspond au fait de se raser.
To rase or not to rase?
Donc, rasage – dans le sens de simplement retirer le poil – et ITSS: il semble que le lien direct est ténu. Ce sont vraiment les pratiques de rasage qu’on cible ici. Si on utilise le rasoir, par exemple, on doit s’assurer qu’il est stérile et que la lame ne soit pas trop coupante. Comme on rase dans des régions qui sont très sensibles, près des muqueuses comme dans le cas de la vulve ou de l’anus, il faut être vigilant.e et s’assurer de le faire adéquatement pour éviter les coupures et des microlésions. Quant à l’épilation à la cire, elle peut causer des brûlures, des boutons et des poils incarnés. Elle peut ainsi rendre plus vulnérable à la pénétration des fluides corporels et faciliter le contact avec des zones infectées.
Peu importe la méthode utilisée pour retirer les poils, on doit prendre des précautions et s’assurer de le faire comme il faut. Et si on opte plutôt pour garder son poil comme on le voit de plus en plus fréquemment d’ailleurs, c’est tant mieux: sa présence a pour but de prévenir la transmission de bactéries et de pathogènes. Par exemple, éviter une infection urinaire. D’ailleurs, le vagin a un environnement interne qui est contrôlé. Son pH est équilibré; c’est ce qui permet d’éviter la contraction d’infections urinaires ou de vaginose. Retirer le poil pubien expose la vulve et facilite le contact avec les muqueuses.
Cela dit, et comme on l’a vu avec les morpions, le poil peut quand même contribuer à augmenter le risque de contact avec des éléments pathogènes et des bactéries. En effet, s’il y a un manque d’hygiène ou si la personne utilise des objets sexuels non nettoyés, la pilosité peut, à ce moment, être porteuse d’éléments potentiellement nuisibles.
#TeamPoils (ou pas)
Beaucoup de gens vont se raser par souci d’hygiène. Par contre, il faut savoir que le poil, si on fait attention à la propreté, n’est pas sale. Contrairement à bien des discours qui le démonisent, il n’a rien de dégoûtant ni de répugnant. Et il a son utilité. Au final, le fait qu’on soit pro-poils ou non demeure un choix personnel. L’important c’est de conserver ou se débarrasser de son poil parce que ça nous convient et qu’on en a envie. Pas par pression sociale ni par injonction à la soi-disant « beauté ». Pas non plus parce que la culture populaire nous assaille d’images de corps lisses. Ce sont des tendances et, comme notre pilosité qu’on rase; ça part et ça revient. Pas de quoi s’arracher les cheveux, quoi. (Ou le poil!) #poudoumtchi
Image de une : Elements Of This World, CC BY 2.0 https://creativecommons.org/licenses/by/2.0, via Wikimedia Commons