dysfonction érectile

La thérapie par ondes de choc et les injections de plaquettes sont-elles des méthodes efficaces pour soigner la dysfonction érectile ?

Un auditeur a proposé la question suivante à propos de la dysfonction érectile:

« J’ai 75 ans et je tente de me maintenir en forme. Je réalise que les années s’accumulent. Petit à petit, j’ai besoin de béquilles (viagra, cialis, levitra, etc.) afin de continuer à performer sexuellement. Les réseaux sociaux débordent de publicités qui promettent le retour 20, 30, 40 ans en arrière, avec des produits magiques (crème, pompe, pilule, etc.) qui vont sauver mon couple. Une clinique de Montréal offre un traitement qui comprend des séances de stimulation électrochoc et des injections de plaquettes directement dans le pénis. Je suis convaincu que Myriam Daguzan Bernier pourra m’éclairer sur le sujet. »

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C’est quoi la dysfonction érectile ?

On parle aussi de « trouble de l’érection ». Il s’agit de « l’absence totale d’érection ou érection insuffisante pour permettre l’accomplissement de l’acte sexuel ». (Trudel, 2020) Il y a deux types formels de dysfonction érectile : 

  • Primaire : la dysfonction érectile est présente depuis toujours;
  • Secondaire : elle se produit nouvellement chez une personne qui avait auparavant la capacité d’obtenir une érection totale ou suffisante pour l’acte sexuel.

On peut toutefois ajouter une autre catégorie de dysfonction érectile : 

  • Contextuelle : la difficulté érectile survient dans certains contextes et situations. Par exemple, lorsqu’une personne souffre d’anxiété de performance. 

Combien de gens sont touchés par la dysfonction érectile ? 

Dans le Guide de pratique de l’Association des urologues du Canada sur la dysfonction érectile (2021), on cite une étude indiquant qu’« environ 40% des hommes dans la quarantaine présentaient une DE [dysfonction érectile] de gravité variée et la prévalence augmentait d’environ 10% par décennie. » Selon une synthèse des études épidémiologiques rapportée dans le livre Les dysfonctions sexuelles (Trudel, 2020), cet enjeu serait présent chez « 10% des hommes de moins de 35 ans et […] jusqu’à 50% chez les hommes de 60 ans et plus ». 

Quels sont les facteurs qui interviennent dans la dysfonction érectile ?

  • Facteurs psychologiques : anxiété, dépression, enjeux d’estime de soi, anticipation de la difficulté érectile 
  • Facteurs sociaux/relationnels : difficultés relationnelles, baisse de désir, communication 
  • Facteurs biologiques : 
    • Vasculaires : présence de troubles cardiovasculaires, tabagisme, diabète 
    • Endocriniens : hypogonadisme (carence en testostérone)
    • Neurologiques : AVC, lésions à la moelle épinière, neuropathies périphériques (lésion des nerfs)
    • Substances : consommation de drogues, médication (ex. : antidépresseurs) 

Tout ceci peut avoir un impact sur la capacité à avoir une érection. Donc, si l’on revient à la question de notre auditeur, penchons-nous sur les deux techniques mentionnées, soit la thérapie par ondes de choc et l’injection de plaquettes. 

Ce qu’est la thérapie par ondes de choc 

Il s’agit d’une thérapie non invasive et sans anesthésie. On utilise un appareil dont le bout émet des  micro-pulsations électriques. On vient le placer à différents endroits sur la verge afin de stimuler la circulation sanguine et produire une régénération vasculaire. Le traitement peut prendre de 15 à 30 minutes, une à deux fois par semaine. Il est répété sur un certain nombre de semaines, selon la prescription du ou de la professionnel.le de la santé. 

Ce que sont les injections péniennes de plasma riche en plaquettes 

Le PRP ou plasma riche en plaquettes est utilisé dans la médecine dite « regénérative ». On va beaucoup l’utiliser, par exemple, en médecine sportive. Dans ce cas-ci, on parle de P-Shot ou Priapus shot. Dans un premier temps, on fait une prise de sang sur la personne qui souhaite avoir recours à cette technique. La fiole est ensuite mise dans une centrifugeuse pour séparer plasma et plaquettes. Celles-ci vont être isolées pour les réinjecter dans le pénis. Certaines cliniques spécifient qu’elles vont injecter dans les corps spongieux et caverneux du pénis. D’autres sont beaucoup plus vagues en indiquant simplement « là où leurs bienfaits sont nécessaires ». 

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L’efficacité de la thérapie par ondes de choc 

De façon générale, elle est considérée comme une méthode prometteuse, mais pour laquelle il manque encore de données probantes. Certaines études font état d’améliorations notables chez des personnes qui ont une DE légère à modérée et qui n’ont pas de comorbidités lourdes (ex. : problèmes cardiovasculaires ET diabète). Il faut aussi savoir que les études effectuées présentent généralement de petits échantillons et peu de données sur le long terme. L’Association des urologues du Canada a créé un document en 2021 qui fait la comparaison entre le TOCE et différents traitements de la dysfonction érectile, dont le plasma riche en plaquettes. Le document collige des données probantes pertinentes publiées depuis 2014. On y fait les constats suivants : 

  • En comparaison avec l’absence de traitement ou un placebo, le TOCE (traitement par ondes de choc) offre une certaine amélioration des scores sur l’IIEF-EF (International Index of Erectile Function – Erectile Function subscale) et l’EHS (Erectile Hardness Scale);
  • Il n’y aurait pas de différence de résultats entre la TOCE et le plasma riche en plaquettes, mais on souligne toutefois que la présentation des données présente des failles; 
  • Comparativement au traitement simulé ou à l’absence de traitement, le TOCE pourrait améliorer les résultats cliniques chez les hommes atteints de DE; 
  • Son efficacité pourrait varier d’une sous-population à l’autre; 
  • Les données portant sur l’efficacité clinique de différents protocoles de TOCE sont limitées; 
  • Le TOCE est sécuritaire, les effets indésirables liés au traitement étant peu nombreux. 

L’efficacité des injections de plasma riche en plaquettes 

Pour l’instant, les données manquent ou sont contradictoires face à cette méthode. On rencontre les mêmes enjeux qu’avec la TOCE, soit des petits échantillons, pas de données sur le long terme. Par contre, les données probantes semblent moins robustes que celles pour la TOCE. D’ailleurs, de nombreuses cliniques qui offrent le service d’injections péniennes de PRP vont parler de « méthode prometteuse », de « pratique émergente ». Ce qui, en d’autres termes, signifie que c’est expérimental. D’ailleurs, ni la FDA ni Santé Canada n’ont émis de recommandations officielles concernant ces méthodes. 

On le fait ou pas ? 

En fait, ça dépend. Il faut avant tout connaître la source de la dysfonction érectile. Et, souvent, celle-ci est multifactorielle. C’est d’ailleurs pourquoi, en sexologie, on va souvent privilégier l’approche multimodale. C’est-à-dire la combinaison d’un suivi médical avec, dans certains cas, un traitement médical – comme ceux dont on parle ici ou d’autres comme la médication par voie orale (sildenafil, tadalafil) ou par injection, par exemple –  et thérapie avec un.e sexologue en relation d’aide ou en psychothérapie, selon les besoins de la personne. 

Si on se lance, il est important d’en discuter préalablement avec son ou sa médecin pour s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indications. Il faut aussi avoir des attentes modérées face aux résultats, car il y a un risque important de déception, voire de désespoir, si cela ne fonctionne pas comme on le veut. 

Des méthodes éprouvées… 

Selon Trudel (2020), dans Les dysfonctions sexuelles, on obtient généralement de bons résultats avec la méthode proposée par Masters et Johnson. Celle-ci repose sur trois objectifs : 

  1. Éliminer la peur de l’échec; 
  2. La personne souffrant de dysfonction érectile devient trop en observation face à ses capacités érectiles et se met en mode passif. Elle doit passer du statut de spectatrice à actrice; 
  3. Travailler à éliminer les craintes du ou de la partenaire face à la situation. 

La pleine conscience peut également contribuer à mieux gérer le stress, les masturbations dirigées peuvent aider la personne à prendre plus son temps pour mieux comprendre son fonctionnement, mieux reconnaître les sensations et faire le focus sur soi et ce qui peut aider l’érection à prendre place. 

… et des mythes à déconstruire 

Il faut aussi apprendre à déconstruire les stéréotypes sexuels qu’on associe aux hommes ou aux personnes avec un pénis. C’est-à-dire défaire les croyances et mythes comme : 

❌ L’érection doit arriver sur demande;

❌ Elle doit être à toute épreuve (ex. : ferme, pas de perte d’érection, etc.); 

❌ Les hommes sont toujours prêts à avoir de la sexualité;

❌ Ils sont capables de garder une érection, naturellement, pendant des heures;

❌ Leur désir n’est pas affecté par les émotions, sentiments et contextes. 

Non seulement c’est faux, mais c’est dommageable, parce que ça perpétue une idée complètement erronée de la réponse sexuelle dite masculine. Cela contribue aussi à augmenter l’anxiété qui est un des facteurs majeurs de la dysfonction érectile. La virilité et la masculinité sont des concepts qui dépassent largement la capacité érectile. Il faudrait s’en rappeler, car on crée des postures insoutenables à tenir et, qui plus est, condamnent les gens qui vieillissent – c’est-à-dire tout le monde à un moment ou un autre, si on se rend là – à ne plus être considérés comme en capacité d’avoir de la sexualité. Alors que, ça aussi, c’est faux. 

Bref, comme je le mets souvent de l’avant dans mes chroniques; l’aspect social des sexualités n’est jamais bien loin. Si on apprend à communiquer à propos de l’intimité, si on normalise les discussions sur les enjeux comme celui-ci, si on se permet de s’arrêter un moment pour ne pas être en mode performatif et productivité, on va se donner une chance d’être dans le moment présent et de pouvoir réfléchir à ce qui s’offre à nous comme solution. Et se donner du temps, de l’empathie, de la bienveillance. Et du plaisir autrement, pourquoi pas.

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