Non, on ne parle pas ici de votre Roomba ou votre Vitamix qui vous ferait de l’œil, mais bien de sexualité avec des robots humanoïdes. Si l’idée vous inquiète, d’autres trouvent, au contraire, que c’est l’avenir de la sexualité humaine. Est-ce que nos ébats sont destinés à n’avoir lieu qu’en présence d’êtres artificiels ? Explications.
À l’aube des robots
Selon Statista, un site qui propose des analyses de marché, l’industrie des jouets sexuels pourrait atteindre 80.7 milliards de dollars américains d’ici 2030. Nous avons déjà des contacts sexuels avec ou via différentes technologies. Jouets connectés, téléphones intelligents et applications diverses sont accessibles à tous.tes depuis un bon moment déjà. On peut aussi penser à toutes les personnes en interaction avec des robots conversationnels. Plusieurs de ces robots permettent d’entrer en relation amoureuse virtuelle. Pensons à Replika qui, en janvier 2023, comptait 10 millions d’utilisateurs et d’utilisatrices. Ou encore, Xiaoice, avec plus de 660 millions d’abonné.e.s à son compteur.
Côté robots sexuels, Tory Shepherd, journaliste chez The Guardian, s’est penchée en 2023 sur une étude du site de jouets sexuels BedBible. Elle souligne que, si l’industrie des robots sexuels rapporte 200$M/année et que le prix moyen d’un robot est de 3567$US, il y aurait environ 56 000 robots sexuels vendus par année. Un marché bien vivant.
Alors oui, nous avons et aurons des relations sexuelles avec ces machines. Mais comment et, surtout, pourquoi?
Diverses utilisations pour divers besoins
En 2020, une équipe a effectué une revue de la portée, publiée dans le Journal of Medical Internet Research. Intitulée Design, Use, and Effects of Sex Dolls and Sex Robots: Scoping Review, on y dénombre trois utilisations principales des robots sexuels :
- Utilisation domestique : les robots sexuels sont achetés pour s’en servir de façon récréative, chez soi et à long terme;
- Utilisation commerciale : ils sont utilisés dans des maisons closes. On y offre des services à l’heure à une clientèle qui n’a ni les sous ni l’espace pour s’en procurer. Et aussi pour répondre à la curiosité des gens. Ce type de service fait débat et plusieurs maisons closes ont d’ailleurs dû fermer leurs portes.
- Utilisation thérapeutique : les robots servent d’accompagnateurs pour combler différents besoins. Ce peut être pour briser la solitude, offrir un contact physique ou explorer la sexualité après avoir vécu des traumatismes. L’utilisation thérapeutique est aussi source de discussions très houleuses. En effet, certains chercheurs croient que des poupées et robots sexuels enfants pourraient être utilisés à des fins de traitement pour des pédophiles, par exemple.
Des facteurs déterminants…
Une récente étude, réalisée sur 223 étudiant.e.s d’une université canadienne, s’est penchée sur différents facteurs influençant l’intérêt envers la robosexualité. Les résultats permettent de dégager plusieurs constats :
- Les hommes sont plus intéressés par la sexualité avec des robots que les femmes. Les femmes sont plus portées vers l’amitié robotique;
- Les hommes ont tendance à d’abord voir le genre féminin chez le robot et ensuite considérer qu’il s’agit d’un robot;
- Les personnes qui ont des croyances sexistes sont plus portées vers la robosexualité;
- Les individus qui ont des orientations sociosexuelles moins restreintes (ex. : personnes queers, LGBTQ2SIA+, non monogames) ont moins d’intérêt envers les robots;
- Il y a une corrélation entre le rapport au pouvoir et l’intérêt envers les robots.
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Et des traits de personnalité
Simon Dubé, chercheur et doctorant en psychologie de l’Université Concordia et professeur associé au département de sexologie de l’UQAM, est un expert du domaine. Dans une étude qui s’intéresse particulièrement aux traits de personnalité des gens attirés par l’érobotique, son équipe et lui font les observations suivantes :
- Les hommes cisgenres, les personnes non-binaires et non conformes dans le genre sont plus disposés à avoir du sexe avec des robots que les femmes cisgenres;
- Les personnes érotophiles (attitudes positives envers la sexualité), à la recherche de sensations nouvelles, sont plus susceptibles d’aller vers des robots sexuels. Selon cette recherche, on estime que ce sont ces personnes qui risquent de « devenir les premières utilisatrices de ces robots et d’influencer leur développement. »
Ce que l’avenir nous réserve
Dubé co-préside d’ailleurs Love and Sex with Robots, un colloque international qui a lieu cette fin de semaine à l’UQAM. Des chercheurs et chercheuses de divers horizons s’intéresseront à l’avenir de notre sexualité avec les robots. Il en sortira certainement des réflexions fort intéressantes. En attendant de connaître les retombées de cet événement, on peut toutefois se le répéter : oui, nous ferons l’amour à des robots. Car ils sont plus qu’à nos portes; ils sont déjà dans nos culottes!
Cela soulève évidemment toutes sortes de questionnements. Les robots sexuels vont-ils réduire le fossé de l’inégalité entre les genres ou le creuser davantage ? Pourront-ils aider à lever des tabous sur les sexualités ou, au contraire, les renforcer ? Contribueront-ils à réduire les violences à caractère sexuel ou à les exacerber ? Et, aussi, tout bêtement: que fera-t-on de ces nouveaux déchets, une fois leur utilisation terminée ?
Bref, des tas de questions demeurent sans réponse pour le moment. Selon Kate Devlin, autrice de Turned On : Science, Sex and Robots (Bloombury Sigma, 2018), ces machines ne seront jamais au cœur d’un « gros marché » et resteront plutôt des produits de niche. Ce qui n’empêche en rien qu’on y réfléchisse à deux fois, ne serait-ce que pour continuer à défaire des tabous face aux sexualités…