En novembre dernier, je vous ai parlé des transformations subies par la cruise au temps du coronavirus. On a pu constater que bien des gens prennent plus de temps pour apprendre à se connaître. D’autres ont testé « l’illégalité » pour avoir un peu de chaleur humaine en période de distanciation sociale. Eh bien, sachez que, plusieurs mois après tout cela, d’autres changements sont apparus chez les célibataires en quête d’amour post-pandémie. Dont un qui ressort nettement du lot: le FODA. Ce n’est pas le Fear of Dying Alone – qui existe! – mais plutôt le Fear of Dating Again. Je vous explique ce que c’est et comment on peut jongler avec cette nouvelle réalité.
FO… quoi?
C’est Logan Ury, experte en sciences du comportement et directrice de la science des relations chez Hinge, qui a lancé l’acronyme. Elle a utilisé ce terme pour présenter un important sondage réalisé auprès des utilisateurs.trices de l’app de rencontres, afin de sonder leurs craintes à revenir sur le marché du dating. 51% ont indiqué vivre actuellement avec le FODA. Même son de cloche chez Match.com.
Pour résumer, le FODA c’est la peur de recommencer à fréquenter des gens dans un but romantique et/ou sexuel; une crainte spécifiquement liée à la pandémie. En effet, on sait que la COVID-19 a transformé nos vies et il est évident que nos relations sociales et intimes en subissent aussi les impacts. D’ailleurs, pour savoir si les gens autour de moi sont affectés par cette angoisse, j’ai fait un petit sondage très peu scientifique sur Instagram et Facebook. J’ai posé la question suivante: est-ce que l’idée de dater à nouveau te stresse/t’effraie/te rend anxieux.se? Sur 100 personnes, 62 m’ont répondu oui. Ce qui est tout de même parlant.
Une peur fondée
Cette peur qu’on voit actuellement émerger chez plusieurs est la conséquence de différents facteurs. D’abord, une majorité de gens ont peur de contracter le virus. Exit les phrases accrocheuses sur les applications de rencontre; comme l’indiquait le New York Times dans un article sur le dating au temps du coronavirus en mai dernier, la mention qui remportera probablement le prix de la sexyness en 2021, c’est “vacciné.e”, voire “double vacciné.e”. C’est d’ailleurs ce qui ressort aussi des approches qu’on retrouve sur les différents réseaux de rencontre; on s’informe sur les précautions prises, sur le statut vaccinal, sur les intentions face à la pandémie toujours actuelle.
Autre raison: la COVID-19 nous a laissés en état de choc et il n’est pas si facile de recommencer à avoir des interactions sociales aussi fluidement qu’avant. Nombreuses sont les personnes qui ont l’impression que leurs compétences sociales sont diminuées et anticipent les rencontres – même avec des proches. Celles-ci leur paraissent laborieuses et, parfois même, insurmontables. Alors rencontrer des inconnu.es dans le but de dater – ce qui demande une certaine assurance et une confiance en soi – ce n’est pas donné à tout le monde. Ajoutons à cela le fait que le dating peut parfois être rempli de malaises et de situations plus ou moins agréables; disons que c’est beaucoup d’énergie à déployer. On peut aisément comprendre qu’une personne préfère éviter tout cela.
De plus, le coronavirus a grandement affecté la santé mentale du public, et particulièrement les jeunes adultes, le public cible des applications de rencontre. Beaucoup d’entre eux.elles sont vulnérables, émotionnellement, d’une part, mais parfois aussi financièrement (ex.: perte d’emploi), physiquement (ex.: maladie chronique). Plusieurs sont aussi en deuil de proches perdus pendant la pandémie. D’autres sont simplement exténués par la vigilance dans laquelle on est tenus depuis qu’on sait qu’un virus mortel qui mute plus vite que son ombre se balade dehors. Bref, la situation n’est pas simple. Pour personne.
Et, pour rajouter une couche, de nombreux couples se sont séparés au courant de la dernière année. Ça donne donc de nouveaux et nouvelles célibataires qui se remettent d’une rupture et d’une pandémie. Sans oublier également que beaucoup de gens vivent actuellement avec d’importants problèmes d’image corporelle. Tout ça constitue un cocktail assez gagnant pour la déprime…
Une autre théorie
Par contre, il semble que ce ne soit pas seulement le coronavirus qui freine les ardeurs. Comme l’explique le magazine français Usbek & Rica qui rapporte les propos de la journaliste France Ortelli, cela fait un bon moment que le sujet du dating n’est plus léger et joyeux, mais plutôt teinté d’anxiété et de stress. D’ailleurs, pas pour rien que deux journalistes françaises – dont Ortelli – viennent de faire paraître des ouvrages qui abordent la question. Il y a Nos coeurs sauvages (Éditions Arkhê, 2021), d’Ortelli, et Dating Fatigue: Amours et solitudes dans les années 20(20) (Éditions de l’observatoire, 2021) de Julie Duportail. Cette dernière a d’ailleurs réalisé une enquête étoffée sur Tinder dans son essai L’amour sous algorithme (Éditions La Goutte d’Or, 2019). Ces deux livres font état des difficultés liées à la rencontre amoureuse et, surtout, du désenchantement que vivent nombre d’entre nous face à l’idée du couple.
Le monde de la rencontre amoureuse et/ou sexuelle est peu évident et souvent assez agressif. Pour certain.es, ça peut devenir angoissant. Il existe aussi une compétition importante entre les différentes applications de rencontres. Celles-ci font des pieds et des mains pour attirer la clientèle et ça peut devenir un joyeux bordel de s’y retrouver. En plus, les daters peuvent avoir accès à des tas de gens potentiellement intéressants (et idéalement intéressés). Tellement que, dans certains cas, c’est l’embarras du choix. Et qui dit trop d’options, dit souvent incertitude et angoisse.
Des transformations en profondeur
On l’a dit plus tôt; la pandémie a changé nos habitudes et le dating n’est pas en reste. L’équipe derrière l’application Tinder a d’ailleurs étudié les interactions de ses abonné.es dans la dernière année. Elle en a tiré des conclusions assez intéressantes sur le futur du dating. Ces éléments peuvent peut-être aider à mieux comprendre comment naviguer à travers ce type de relations sociales et, ultimement, diminuer les craintes face à ces situations. Parmi les points cruciaux qui ressortent de cette étude, on peut noter ceci:
- Les utilisateurs.trices seront plus honnêtes et authentiques;
- Les limites de chaque personne seront plus transparentes;
- Les rencontres virtuelles vont rester;
- Les dates ne seront plus nécessairement des moments pour briser la glace, mais plutôt pour faire une activité plus personnalisée.
Ce que ça veut dire, c’est que la pandémie a peut-être eu l’avantage de cut the crap, si l’on veut, et d’aller plus droit au but, en restant soi-même. Vivre cette situation extraordinaire dans une vie amène probablement les gens à se questionner. Sur ce qui leur tient vraiment à cœur, sur leurs valeurs profondes et sur leurs réels besoins. Un gros reality check, en somme.
Quelques trucs pour surmonter le FODA
Cela dit, c’est bien beau de savoir ce qu’est le FODA, mais on doit s’intéresser aux solutions possibles pour l’atténuer. On vient de voir que le futur de la rencontre amoureuse et/ou sexuelle sera probablement plus transparent et direct; c’est l’occasion idéale de s’écouter et d’y aller avec ce qui nous fait vraiment plaisir, nous rend bien et heureux.se. Si vous ressentez ce fameux FODA, voici quelques idées, glanées ici et là, pour faire baisser le stress et l’anticipation face aux potentielles rencontres.
- Établir ses limites: faites une liste (réelle ou mentale) de ce vous attendez d’une telle rencontre. Indiquez ce que vous vous sentez capables de faire ou pas. Votre date veut absolument vous rencontrer en personne dès les premiers échanges et vous ne vous sentez pas prêt.e? Dites-le. Vous n’êtes pas à l’aise d’aller dans certains endroits publics? Dites-le aussi.
- Réfléchir aux différents éléments que vous cherchez chez une personne : en faisant l’inventaire de ce qui vous branche chez quelqu’un.e, ça aide à garder en tête vos priorités. Avoir reçu le vaccin, par exemple, peut tout à fait être un critère prioritaire!
- Être soi-même : soyez vrai.e et authentique. Montrez qui vous êtes réellement, n’essayez pas de paraître au mieux. On vient de passer une année qui nous a obligés à revenir à l’essentiel; on peut appliquer ça au dating aussi. Parce que, de toute façon, “Chassez le naturel, il revient au galop”, comme dirait l’autre.
- S’exprimer librement : vous avez le droit de parler de ce que vous ressentez, d’être transparent.e devant l’autre, de vous montrer vulnérable. En plus, il est prouvé que, lorsqu’on accepte de montrer sa vulnérabilité, c’est un fort prédicteur de l’établissement de connexions plus profondes avec l’autre.
- Prendre son temps…: vous avez le droit d’y aller à votre rythme, selon les étapes qui vous conviennent et personne n’a le droit de vous pousser à agir autrement.
- Sans perdre trop de temps: On a tellement été coupé des gens qui comptent dans nos vies; le temps que vous avez maintenant pour le faire, offrez-le à quelqu’un.e qui en vaut la peine. Vous avez le droit de dire “on va en rester là”, “ça ne me convient pas”, “ce n’est pas ce que je cherche”. ça arrive et c’est la vie.
En résumé, si vous ressentez ce fameux FODA; vous n’êtes pas seul.e! Alors soyez bienveillant.e envers vous-même et envers les autres. Donnez-vous du temps et, surtout, restez vous-même. C’est la meilleure façon de s’assurer de respecter ses limites et de tomber sur quelqu’un.e qui vous apprécie à votre juste valeur.