Cette question nous provient d’un étudiant de notre auditrice Geneviève Mallette, enseignante à l’école secondaire des Patriotes de Beauharnois.
Son interrogation m’a menée sur des tas de chemins intéressants. Elle a aussi fait émerger plusieurs autres questions qui m’ont semblé nécessaires pour pouvoir bien lui répondre.
Pour quelles raisons les poitrines volumineuses seraient-elles plus populaires ?
Il existe plusieurs hypothèses sur le sujet, mais il n’y a pas de consensus dans la recherche scientifique. Lorsque l’on se penche sur cette épineuse question, on réalise vite qu’on tombe dans le fameux dilemme : nature ou culture ? Apprécie-t-on les fortes poitrines parce que l’être humain est biologiquement programmé pour cela? Ou est-ce plutôt une préférence qui se développe au sein (#poudoumtchi) d’une culture donnée qui valorise ce trait physique?
Deux grandes approches
L’approche biologique, sans surprise, vise surtout la reproduction. Nous sommes la seule espèce de mammifères à conserver une poitrine plus ou moins volumineuse en permanence. Les autres espèces les ont seulement lors de la période de fertilité et lors de l’allaitement. De nombreux.ses scientifiques croient que ce trait des femelles leur permet d’envoyer un signal de disponibilité sexuelle aux mâles. Plus les poitrines sont larges, plus on les associeraient à la santé, mais aussi à la fertilité et la maternité.
Du côté de la théorie culturelle, on constate que les préférences en matière de seins changent selon la société dans laquelle on vit. Cela touche aussi les pratiques sexuelles. Selon où l’on se trouve dans le monde, on ne va pas toujours intégrer les seins dans la sexualité (ex. : la stimulation de la poitrine lors des relations sexuelles). Ce n’est pas dans toutes les cultures que l’on met autant d’emphase sur la poitrine, surtout s’il s’agit de pratiques sexualisées.
Une attirance pour qui ?
On semble souvent croire d’emblée que les hommes et personnes qui s’identifient à la masculinité traditionnelle sont naturellement attirés par les fortes poitrines. Mais est-ce bien le cas ? Plusieurs études se sont penchées sur différents groupes d’hommes. Ces derniers ont une attirance autant pour des poitrines larges, moyennes que, eh oui, petites.
De plus, il est important de souligner que les seins sont souvent analysés via le prisme de regards masculins, tant dans la culture populaire que dans les recherches scientifiques. Et qu’en est-il des femmes lesbiennes et bisexuelles, par exemple ? Il y a très peu d’études à ce sujet. Cependant, dans un papier paru en 2017 dans la revue Personality and Individual Preferences, on rapporte que des femmes non-hétérosexuelles brésiliennes et tchèques ont préféré des poitrines plus petites.
Grosseur des seins : de multiples facteurs d’attraction
Comme l’indique la publication scientifique Discover Magazine en 2019, il existe de nombreux autres facteurs qui influencent l’appréciation de la grosseur de la poitrine. On l’a nommé plus tôt; la culture dans laquelle on vit va définir certains standards de beauté. Mais il y a aussi :
- Le statut socio-économique : les hommes ayant un statut socio-économique plus faible vont avoir une préférence pour les grosses poitrines;
- Les habitudes sexuelles : les hommes impliqués dans des relations à court terme vont préférer les poitrines plus volumineuses;
- L’image corporelle : plus les hommes sont considérés comme physiquement attirants, plus la grosseur de la poitrine de leur compagne augmente;
- Les attitudes sexistes : les hommes qui reconduisent les stéréotypes sexistes et font preuve de violence envers les femmes préfèrent les gros seins.
D’autres facteurs nous renseignent aussi sur ce que l’on perçoit des seins, selon leur grosseur. Dans une étude de 2020, parue dans Archives of Sexual Behavior, on s’est penché sur les « Associations stéréotypées et réelles entre la taille des seins et les traits pertinents pour l’accouplement ». Tant les femmes que les hommes sondées considèrent que les gros seins sont plus facilement associés à une efficacité reproductive. Sans oublier l’efficacité de lactation pour l’allaitement. Cependant, on y voit aussi que les grosses poitrines ne sont pas nécessairement considérées comme plus attirantes.
La grosseur, mais pas que…
En effet, plusieurs recherches font état de stéréotypes bien ancrés face aux fortes poitrines. Par exemple, on considère plus volontiers qu’une femme avec une grosse poitrine est moins intelligente. Elle serait aussi moins fidèle et ferait preuve de promiscuité. Aussi, il ressort que l’ampleur de la poitrine féminine n’est pas nécessairement le critère le plus important. Ce qui rassemble hommes et femmes face à l’appréciation des seins ? Leur fermeté. Dans la majorité des études consultées, dont une en particulier intitulée « Breast firmness is of greater importance for women’s attractiveness than breast size »*, on constate que le critère esthétique numéro un est la consistance des seins.
Et les femmes dans tout ça ?
Dans une étude de 2020, réalisée sur plus de 18 000 femmes de 40 nations différentes, on s’est servi du Breast Size Satisfaction Survey (BSSS). Cela a permis de vérifier le taux de satisfaction général des femmes envers leurs seins. On constate malheureusement qu’environ 70% d’entre elles n’aiment pas leur poitrine. L’insatisfaction serait liée, entre autres, à une plus grande exposition à des médias locaux versus des médias occidentaux à plus grande échelle, une plus grande insécurité financière et un plus jeune âge.
Selon Charlotte Makey, professeure en psychologie et directrice du programme de sciences de la santé à l’Université Rutgers (États-Unis), de nombreuses personnes se tournent vers la chirurgie esthétique pour des augmentations mammaires. Par contre, elle dit que cela n’apporte pas nécessairement le bonheur attendu. Mais, pour elle, le problème majeur se situe plutôt dans le fait que les personnes insatisfaites de leur poitrine sont beaucoup moins portées à faire un auto-examen des seins. Elles ne consulteront pas non plus, s’il y a un changement qui apparaît sur leur poitrine. La résultant étant qu’on réussit à attraper des cancers du sein, potentiellement évitables, trop tard.
Se libérer des diktats
Donc, qu’on soit team petits, moyens ou gros seins, l’important est surtout de retenir qu’il y a des tas de poitrines différentes. La perception de ce qui est esthétique ou non est directement lié à des constructions socio-culturelles. Celles-ci vont créer certains diktats qu’on a le droit de remettre en question pour réussir à bien vivre dans nos corps, quelle que soit leur apparence. Cela passe par des représentations de corps variés – dont des poitrines – dans les médias grand public, dans la pornographie, dans la publicité, bref, dans toutes les images qui nous sont offertes pour construisent nos imaginaires érotiques.